Confessions du Père Guy, exorciste à poitiers.
Confessions d’un exorciste
Le regard est serein, la voix apaisante. Derrière le modeste bureau de son presbytère, le père Guy feuillette les pages de sa «bible». C’est le manuel officiel, son « mode d’emploi. » Un petit livre bleu qui lui a été remis, il y a trois ans, après qu’il eut accepté, à la demande de son évêque, de devenir l’exorciste du diocèse de Poitiers. Ordonné en 1962, le prêtre exerce son ministère en toute discrétion. S’il insiste pour rester anonyme (Guy est un nom d’emprunt), c’est pour éviter d’être harcelé par les farfelus.
L’exorciste poitevin n’a rien du chasseur de démons version septième art. Ni du redresseur de sorts adepte de rituels pimentés et autres formules à l’ancienne. Aucune chance de le voir brandir le crucifix à coup de prières de délivrance et de vade retro satanas. Très réservé sur toutes ces «diableries », il cherche d’emblée à démystifier son rôle et son influence. « Je n’ai aucun pouvoir magique, ni don particulier.»
BLESSÉS DE LA VIE
Qui sont-elles, ces brebis égarées, qui viennent consulter le père Guy ? « Des hommes, mais plus souvent des femmes, de tous âges et de toutes conditions sociales. » Les citoyens ordinaires d’une société déboussolée, convaincus de trouver leur salut auprès d’un exorciste. L’homme de la dernière chance, le bon samaritain capable de conjurer le mal et de les décharger d’un fardeau devenu trop lourd à porter.
« Nous vivons une époque troublée, où les valeurs sont bousculées. La crise de confiance et la perte de repères que nous connaissons laissent s’infiltrer toutes les peurs. On y retrouve des blessés de la vie, des personnes influençables et fragiles, victimes d’une longue série d’échecs ou d’accidents dans leur vie professionnelle ou sentimentale. »
SUR LA LIGNE DE CRÊTE
Faute de trouver une explication rationnelle à leurs malheurs, ces âmes en déroute cherchent un coupable et se rabattent sur Satan et ses suppôts. Le diable a bon dos ! Ils sont d’autant plus convaincus de vivre sous l’emprise de forces maléfiques que leur route a croisé un désenvoûteur, un marabout, un sorcier ou un mage. Autant de marchands d’espoir sans vergogne qui foisonnent en ces temps d’instabilité sociale.
Le père Guy reçoit en moyenne deux à trois visites par mois. Et parfois des «cas difficiles». Comme cette femme d’une trentaine d’années qui entendait des voix. « Elle avait subi une opération au cerveau. Son psychiatre lui a conseillé de voir un exorciste. Ce jour-là, elle est entrée dans une crise d’hystérie impressionnante.» Le prêtre poitevin garde aussi en mémoire ces jeunes parents inquiets de voir leur bébé pleurer dans une pièce de leur maison et pas dans l’autre. «Dans ce métier, on est sur la ligne de crête en permanence et cela demande beaucoup de discernement », confesse-t-il. Pour aider ces esprits torturés à se libérer de leur enfermement, l’exorciste met l’accent sur « l’écoute, accompagnement spirituel et la prière ». Rassurer, faire découvrir à chacun ses richesses intérieures, telle est sa mission. Car s’il y a quelque chose à exorciser, résume-t-il, « c’est avant tout la peur ».