EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

De plus en plus de gens se croient possédés par Satan

Les prêtres exorcistes, à l’image du Père Le Moual, de Charmey, sont confrontés à une recrudescence des demandes d’exorcismes. Mais ils combattent davantage les angoisses que Satan. 

Jacques Le Moual utilise le signe de croix et l’aspersion d’eau bénite, qui renvoient au cœur de la foi baptismale, et le sel (disposé dans une assiette, à droite, sur la petite table), pour protéger les lieux.(photo Jessica Genoud)

SIls sont une dizaine par semaine à consulter le prêtre exorciste Jacques Le Moual, de Charmey. Ils se croient possédés, sous l’emprise de Satan ou victimes d’un mauvais sort. Paradoxalement, à l’heure où les fidèles quittent un à un les prie-Dieu, la croyance en Lucifer et ses légions augmente. D’ailleurs, aux réserves émises sur la personnification de Satan par Vatican II a succédé la demande du pape Benoît XVI, il y a deux ans, de former 3000 nouveaux exorcistes. Un ministère entouré de fantasmes, qui attise la curiosité. Invité par les Amis de Notre-Dame des Marches, le Père Jacques Le Moual tient ce soir une conférence sur le sujet, au centre paroissial de Broc.

«Les gens veulent aujour-d’hui trouver une explication à tout», analyse le Père Jacques, l’un des trois exorcistes du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. «Une femme dont le mari est au chômage et le fils alité à cause d’une jambe cassée se demandera qui lui en veut au point de lui jeter un mauvais sort…» Pour le prêtre exorciste, la tradition rurale, les médias et les films ne sont pas étrangers à l’augmentation des demandes d’exorcismes.

En guerre contre le Malin

Alors certes, L’Exorciste, grand classique du cinéma d’épouvante signé William Friedkin, a traumatisé des générations de spectateurs. Certes, le ministère catholique de l’exorcisme sort tout droit du Moyen Age, du temps où l’on brûlait allégrement sorcières et hérétiques.

Mais si cette imagerie obscurantiste et fantastique perdure et se ravive aujourd’hui, la réalité du Père Jacques est tout autre. Il ne part pas chaque matin en guerre contre le Malin et n’est pas confronté chaque semaine à des personnes dont la tête pivote à 360 degrés devant son sel et son crucifix.

En douze ans de pratique, il n’a été confronté que deux fois à des cas de possession (en 1997 en tant qu’assistant et en juillet 2009), où il a prononcé le grand rituel romain, évoqué dans le film (voir déroulementci-dessous). «Mon ministère est en réalité un ministère d’écoute. La plupart des gens qui viennent me voir vivent un mal-être, portent de lourdes souffrances. Et, bien souvent, elles ont déposé leur fardeau en me parlant.»

Le rituel de l’exorcisme ne s’impose donc qu’en cas de «possession diabolique véritable», précise le prêtre. Soit «la forme de tourment la plus grave que peut causer le démon, qui s’empare non pas d’une âme, mais d’un corps, et qui peut le faire agir ou parler à sa guise.»

Il faut donc croire au démon pour le chasser. «On ne peut saisir l’œuvre rédemptrice du Christ sans tenir compte de l’œuvre destructrice de Satan.» Et si, pour le Père Jacques, «les présences maléfiques existent», il n’en a pas peur. «Je sais qu’on peut prier pour s’en défendre.»

Une aversion pour Jésus

Mais la réserve et la prudence sont de mise devant le récit des gens. Car rares sont les cas nécessitant le fameux Vade retro, Satanas. «Nous devons faire preuve du plus grand discernement pour distinguer les cas d’assaut du démon de la crédulité qui pousse certains à se croire l’objet d’un maléfice», indique le prêtre.

A ces derniers, il offrira une aide spirituelle, mais n’emploiera pas l’exorcisme. Il ne s’impose que si la personne présente les signes typiques de possession: manifester une force supérieure à ses capacités; comprendre une langue inconnue; dévoiler des faits lointains ou cachés et présenter une aversion virulente envers tous les signes religieux et le nom de Jésus.

Et, pour affiner le discernement, les exorcistes se retrouvent chaque année en congrès et s’entourent d’une équipe, à qui ils présentent leurs cas suspectés. Une équipe qui se réunit toutes les six semaines, constituée du vicaire général Mgr Rémy Berchier, de trois prêtres exorcistes, d’un père jésuite, d’un laïc spécialiste de l’écoute et de deux psychiatres.

Il s’agit en effet de ne pas confondre paranoïa, schizo-phrénie ou attaques psychotiques avec attaques diaboliques. «Et nous prenons contact avec le médecin traitant ou le psychiatre de la personne. S’ils nous disent que tout a été entrepris et que la médecine ne peut plus rien faire pour leur patient, un exorcisme peut alors être envisagé.» Non sans le feu vert de l’évêque.

La misère humaine

Plus qu’à des forces obscures, les exorcistes sont confrontés à la misère humaine. «Les gens qui viennent nous voir ont des angoisses, des peurs, vivent des drames familiaux, ont des insomnies ou entendent peut-être des voix. Ils ont des problèmes à répétition et croient que le diable se cache derrière tout ça, rapporte le Père Jacques. Surtout, ils savent que nous ne les considérerons pas comme des fous. Souvent, notre écoute attentive et respectueuse suffit.»

L’écoute, mais aussi les prières, l’imposition des mains, l’eau bénite, le sacrement des malades ou le sel, qui sert à protéger les lieux des présences maléfiques. Car le prêtre se rend aussi régulièrement dans les maisons ou dans les fermes. «Comme le faisaient alors les capucins, précise-t-il. Il peut s’agir d’une maison où l’on entend des bruits insolites, où un suicide s’est produit ou encore des étables où les animaux meurent sans qu’aucun vétérinaire ne puisse faire quoi que ce soit.»

Pour le Père Jacques, l’influence maléfique peut être la cause de ces problèmes. «Mais il se peut aussi que ce soit une onde tellurique mal placée ou que la personne se fasse bêtement un film.» Peu importe finalement. «Nous considérons leurs souffrances et nous tentons de leur apporter un mieux-être par la foi, comme support de leur délivrance.» Que les exorcistes soient des «psys en soutane» ou des moines guerriers en lutte contre Satan, l’important pour eux est de soulager la souffrance de leur prochain.

 

Broc, salle paroissiale, «Le ministère du prêtre exorciste», conférence par le Père Jacques Le Moual, jeudi 25 mars, 20 h 15

 

 

Le grand rituel, que le prêtre exorciste Jacques Le Moual n’a pratiqué que deux fois en douze ans, a été élaboré en 1614, à une période où l’on rôtissait alors à tout-va sorcières et hérétiques. Le concile de Trente entendait donc codifier dans un manuel officiel la pratique de l’exorcisme, pour contrer la frénésie populaire.

En juillet dernier, Jacques Le Moual a dû recourir à cet «exorcisme majeur», qui s’est déroulé dans une petite chapelle aux alentours de Charmey. Durant une heure, accompagné d’un autre prêtre non-exorciste, le Père Jacques a procédé aux différents rites de la célébration. Sa bible: le manuel intitulé Rituel de l’exorcisme, remis en mains propres aux exorcistes par l’évêque, et dont ils ne peuvent dévoiler le contenu.

Prière «dépréciative» et «impérative»

Avant de commencer, le prêtre exorciste se prépare avec une oraison par laquelle il demande de pouvoir «exercer avec efficacité, par la puissance du Christ, la lutte contre le Malin». Quatre moments rituels suivent: celui d’ouverture, avec aspersion d’eau bénite sur la personne possédée, et litanie des saints. Ensuite, l’exorciste récite psaumes et prières puis impose les mains.

Arrive le rite de l’exorcisme proprement dit: le possédé est béni avec la croix et l’exorciste récite deux types de prières: la «dépréciative», demandant à Dieu de délivrer la personne, et l’«impérative», soit «une adjuration virulente adressée par le prêtre directement à Satan», qui se termine par le fameux Vade retro, Satanas. Après la délivrance, les personnes rendent grâce et l’exorciste conclut par une bénédiction.

 

 

Bio express

1947. Naissance de Jacques Le Moual à Saint-Brieuc, dans les Côtes d’Armor bretonnes. Economiste de formation et docteur en droit des affaires, il travaille durant dix ans en entreprise.

1983. Agé de 36 ans, il quitte la vie laïque.

1991. Est ordonné prêtre.

1994. Rattaché au diocèse de Fribourg, il officie pendant dix ans à Praroman.

1997. Assiste à un «grand rituel» d’exorcisme, à Praroman.

2001. S’installe à la cure de Charmey.

2009. Procède à son premier rituel d’exorcisme, à Charmey.

 


 

 

Priska Rauber

25 mars 2010



28/03/2013
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