EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

JEAN VAQUIE ABREGE de DEMONOLOGIE (1ère Partie) APPLICATION DE LA DEMONOLOGIE CHRETIENNE A LA CRISE DE LA SOCIETE CONTEMPORAINE.

JEAN VAQUIE

ABREGE de DEMONOLOGIE (1ère Partie)

APPLICATION DE LA DEMONOLOGIE CHRETIENNE A LA CRISE DE LA SOCIETE CONTEMPORAINE.

INTRODUCTION

Quelle peut être, à notre époque, l'utilité d'une étude sur la démonologie chrétienne ? Un examen, même superficiel, de l'état du monde dans ses rapports avec le Créateur, nous persuade facilement que les forces du mal sont au maxi-mum de leur puissance : elles n'ont jamais été si grandes ni si universellement organisées. 
Or la société humaine est soumise à une évolution dont les organes moteurs siègent dans les hautes instances des congrégations initiatiques. Mais il est manifeste que les membres de ces hautes instances vont chercher leur inspiration dans la mystique luciférienne. Pour connaître, autant qu'il est possible, la stratégie mondiale qui est ainsi mise en applica-tion, il faut scruter, du mieux que l'on peut, les ambitions de l'esprit mauvais qui est, en dernière analyse, l'inspirateur de cette fausse mystique. 
Si donc on veut comprendre le fonctionnement et l'idée de manœuvre politique et religieuse des confréries initiatiques, il est devenu nécessaire de connaître le comportement habituel des esprits déchus. C'est ce que nous avons essayé de faire dans le travail qui va suivre. 


I. LA SCIENCE DU BIEN ET LA SCIENCE DU MAL

La Sainte Ecriture donne aux démons des dénominations très diverses. Essayons de nous faire une idée de la fré-quence avec laquelle ils sont nommés. Nous aurons ainsi une première opinion sur l'importance qui leur est réservée dans l'enseignement divin. 
Un précieux instrument de travail va nous permettre d'opérer ce recensement : c'est le Dictionnaire des Concor-dances. Tous les mots que l'on rencontre dans le texte de l'Ecriture y ont fait l'objet d'un décompte rigoureux. Chaque mot de la Bible constitue un article de ce curieux dictionnaire. On y indique les références des passages où chacun est employé. Il va nous être facile de totaliser les passages scripturaires dans lesquels apparaissent les démons quelle que soit la dénomination sous laquelle ils sont désignés. 

Diverses dénominations des démons dans l'Ancien Testament et dans le Nouveau Testament :

Diabolus - AT : 6 - NT : 34 -
Satanas - AT : 13 - NT : 33 -
Draco - AT : 36 - NT : 12 -
Serpens - AT : 26 - NT : 16 -
Leviathan - AT : 6 - NT : 0 -
Béhémoth - AT : 1 - NT : 0 -
Belial - AT : 12 - NT : 1 -
Baal - AT : 46 - NT : 1 -
Beelzebuth - AT : 4 - NT : 7 -
Beelphegor - AT : 6 - NT : 1 -
Mammon - AT : 0 - NT : 4 -
Malus-Malum - AT : 651 - NT : 44 -
Bestia - AT : 0 - NT : 33 (Apoc.) -
Infernum - AT : 58 - NT : 11 -
Gehenne - AT : 1 - NT : 10 -
Tartare - AT : 0 - NT : 1 -

Total : 1073 - AT : 866 - NT : 207 -

Ce total de 1.073 mentions scripturaires ne comprend pas les versets où les démons sont désignés par des locutions composées, parce que ces locutions ne figurent pas dans les dictionnaires de concordances. Ce sont par exemple : les esprits de malice, les légions de l'orgueil, les puissances des ténèbres, les esprits de révolte, les enfants de la colère, les fils de perdition, le Prince de ce monde, l'adversaire. 

Et pourtant ces expressions reviennent très souvent dans le texte sacré. Si nous pouvions les recenser elles aussi, elles augmenteraient notablement le total que nous venons de trouver. 

Pour être complet, il faudrait encore répertorier mais c'est impossible, toutes les allégories et les paraboles dans les-quelles les démons sont désignés par des images, par exemple celle du semeur d'ivraie ou celle du voleur qui perce la maison. On conçoit qu'il y en aurait une grande quantité. 

L'Ecriture Sainte nous apporte donc une abondante révélation concernant les esprits mauvais. Enseignement précieux car ces esprits appartiennent au monde invisible. Nous ne pouvons pas les observer par l'expérience sensible et nous ne saurions les connaître que par révélation. 

Ainsi l'Ecriture contient, non seulement la science du bien, c'est à dire la science de Dieu, mais encore la science du mal, c'est à dire la science de l'ennemi de Dieu, qui est aussi l'ennemi du genre humain. Et cette science du mal nous est aussi nécessaire que la science du bien puisqu'elle nous enseigne la nature et les œuvres des ennemis invisibles contre lesquels nous avons à combattre au cours de notre périlleux chemin sur la terre. 

L'Écriture, répercutée par les Pères, la Liturgie et le Magistère, nous révèle non seulement le Verbe Incarné, mais aussi son adversaire ; révélation qui nous est absolument indispensable. Et si on lui enlevait tout ce qui concerne le dé-mon, on lui ôterait la moitié de ce qu'elle contient. On s'étonne dès lors du peu d'importance qui est donné à "l'Adver-saire" dans les discours de l'Église conciliaire. 

La présence spirituelle des démons sur la Terre constitue ce que saint Paul nomme le mystère d'iniquité. Elle a posé aux hommes, depuis toujours, le terrible problème du mal. Cet immémorial problème a été la pierre d'achoppement de bien des philosophes et de bien des fondateurs de religion qui n'ont pas su le résoudre correctement, privés qu'ils étaient de la véritable et authentique Révélation divine. 


II. LES ANGES ET LES HOMMES DANS LA PENSEE DIVINE

L'homme a trois ennemis à redouter : le démon, le monde et lui-même. C'est sur le premier de ces trois ennemis, le démon, que nous ferons porter notre investigation. Nous allons étudier l'affrontement des hommes et des démons. Tel est le sujet de cette étude. 
Or les démons sont des anges chassés du ciel. Ils ont conservé, en grande partie, leur nature angélique. Pour con-naître nos ennemis il faut donc que nous connaissions d'abord la nature angélique. Mais pour étudier la nature angélique, il faut que nous remontions à l'aurore de la création. 
«Au commencement Dieu créa le ciel et la terre». (Gen. I, 1). 
Dans ce texte, d'après la plupart des commentateurs, le mot Ciel désigne l'ensemble des esprits célestes ; il désigne le monde des esprits invisibles, c'est-à-dire les anges. Et la Terre désigne l'ensemble du monde matériel, en y incluant l'homme, qui en fait partie, puisque le Créateur a tiré de la terre la substance du corps humain. 
Toutes les créatures appartiennent, soit au monde des esprits, soit au monde des corps. Il ressort nettement du texte de la Genèse que Dieu n'a pas créé de monde intermédiaire. Or la plupart des gnostiques d'aujourd'hui enseignent, plus ou moins ouvertement, l'existence d'un monde intermédiaire. Les Chrétiens doivent se tenir en garde contre cette notion erronée du "monde intermédiaire". 
Ces deux mondes, le monde invisible des anges et le monde visible de l'homme, Dieu les créa en même temps. «Ce-lui qui vit dans l'éternité créa tout en même temps. «Qui vivit in æternum creavit omnia simul». (Ecclesi. XVIII, 1). 
Il créa, d'un seul coup tous les anges et, en même temps, il fit sortir aussi du néant, d'un seul coup également, toute la substance dont il allait avoir besoin et dont il constitua ce que l'on nomme le chaos. Ce chaos, qui n'était d'ailleurs pas le désordre mais seulement la matière informe de l'univers, il en poursuivit l'organisation au cours de six interventions di-vines où s'exerça encore sa puissance créatrice. Ces six opérations divines successives sont les six jours de la création. Les six jours créateurs sont appelés "Hexaméron". 
C'est donc "au commencement" que les anges ont été créés. Pour corroborer cette croyance tout à fait universelle dans l'Eglise, on invoque en particulier ces trois versets du livre de Job : 
«Qui a fixé les dimensions de la Terre ? Le sais-tu ? Qui a tendu sur elle le cordeau ? Sur quoi ses bases reposent elles ? Ou qui en a posé la pierre angulaire, quand les astres du matin chantaient en chœur et que tous les fils de Dieu poussaient des cris d'allégresse». (Job. XXXVIII, 5-7). 
Les "fils de Dieu" et "les astres du matin", ce sont les anges. Ils sont dits "du matin" précisément parce qu'ils ont été créés au commencement. 
Ce point bien établi, avançons dans notre raisonnement. Les moyens par lesquels Dieu procède à Ses œuvres exté-rieures sont appelées Ses voies. Or que nous révèle l'Écriture concernant les voies de Dieu ? 
«Universæ viæ Dornini rnisericordia et veritas Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité» (Ps. XXIV, 10, Vulg.) 
Cette idée qu'il existe une dualité et un équilibre entre la miséricorde et la vérité, l'Ecriture Sainte la répète avec une insistance qui ne peut pas passer inaperçue et qui a certainement une signification. 
Seulement pour bien observer cette insistance, il faut recourir à la version latine de la Vulgate, car des traductions françaises, sans doute pour éviter la monotonie dans l'expression, traduisent "misericordia" et "veritas" par une série de termes approximatifs, ce qui empêche de remarquer la répétition qui existe dans le texte lui-même. Voici quelques pas-sages parmi les plus notables : 
«Que Votre miséricorde et Votre vérité me soutiennent toujours». (Ps. XXXIX, 12) 
«Chargez Votre miséricorde et Votre vérité de le garder». (Ps. LX, 
«La miséricorde et la vérité se sont rencontrées». (Ps. LXXXIV, 11) 
«La miséricorde et la vérité préparent le bien». (Prov. XIV, 22) 
«La miséricorde et la vérité rachètent les iniquités». (Prov. XVI, 6) 
«La miséricorde et la vérité veillent sur le roi». (Prov. XX, 28)
Tous ces passages sont résumés par le verset que nous avons cité le premier. Reprenons-le maintenant car il con-vient de bien le garder en mémoire : 
«Toutes les voles du Seigneur sont miséricorde et vérité». (Ps XXIV, 10). 
Cela signifie que, parmi les œuvres de Dieu, les unes relèvent plus spécialement de Sa miséricorde, tandis que les autres sont destinées à faire apparaître plus particulièrement Sa vérité. 
Définissons maintenant ce que sont la vérité et la miséricorde de Dieu. La vérité de Dieu, c'est sa rigueur. Les com-mentateurs assimilent la vérité de Dieu à Sa justice. Les deux mots de vérité et de justice sont même souvent employés l'un pour l'autre. Or la justice de Dieu est rigoureuse, elle est exacte, c'est-à-dire vraie. Elle rend à chacun ce qui lui est dû et elle "ne fait pas acception de personne". Elle demande à être satisfaite avec rigueur. 
On entend par miséricorde divine tout ce qui relève de Sa bonté, de Sa bénignité, de Sa condescendance, de Sa di-lection et de Sa prédilection. Alors que la justice (ou vérité) de Dieu définit la règle, la miséricorde règne sur l'exception. C'est la miséricorde qui inspire toutes les tendresses du cœur divin. Elle préside aux préférences. Il est une créature qui personnifie la miséricorde divine d'une manière suréminente, c'est la Vierge Marie. Dieu l'a comblée de la "plénitude de Ses grâces". Elle est la créature de prédilection par excellence. 
Mais alors comment Dieu, qui "ne fait pas acception de personne", selon Sa justice, peut-il avoir des préférences se-lon Sa miséricorde ? Va-t-on définir la miséricorde comme étant l'injustice ? Comment la miséricorde et la vérité de Dieu sont-elles compatibles ? C'est évidemment bien mystérieux. A ce mystère s'applique la fameuse sentence de l'écriture : 
«Mes pensées ne sont pas vos pensées et Mes voies ne sont pas vos voies. Mes pensées sont autant au dessus de vos pensées, et Mes voies autant au dessus de vos voies que le ciel est au dessus de la terre». (Isaïe LV, 
Et pourtant, il ne faudrait pas s'autoriser de ce mystère pour penser qu'il y ait en Dieu la moindre trace d'injustice c'est à dire de mal. Saint Paul, qui connaît l'objection, la devance en affirmant bien : 
«y a-t-il de l'injustice en Dieu ? Loin de là ! Car Il a dit à Moïse : "Je ferai miséricorde à qui Je veux faire miséricorde, et J'aurai compassion de qui Je veux avoir compassion"». (Rom. IX, 15)
Dieu, qui est juste envers chacune de Ses créatures, manifeste des préférences pour certaines, sans pour cela porter aucun préjudice aux autres. C'est tout le sens de la parabole des ouvriers de la onzième heure. Faudrait-il que notre œil soit mauvais parce que Dieu est bon ? Il n'y a pas en Dieu la moindre trace d'injustice ni la moindre trace de mal.

Nous savons maintenant que Dieu fait tout, soit conformément à Sa miséricorde, soit en fonction de Sa justice. Sa-chant cela nous allons mieux comprendre ce que peut représenter la nature angélique comparée à la nature humaine. 
Les anges sont issus d'une pensée divine de justice (on dit aussi de vérité). Les anges adorent particulièrement la vérité de Dieu, Sa justice, il faut même dire Sa rigueur. Et en retour Dieu glorifie en eux l'innocence, l'impeccabilité. Les anges sont placés autour de Dieu pour être Ses messagers rigoureux : 
«Bénissez le Seigneur, vous tous ses anges, qui êtes puissants et forts, et qui exécutez Ses paroles, dociles à Sa voix et à Ses commandements». (Introït de la Messe votive des anges). 
De leur côté, les hommes sont issus d'une pensée divine de miséricorde. Ce qui attire leur reconnaissance c'est la miséricorde de Dieu. Et en retour Dieu glorifie en eux, non plus l'innocence comme pour les anges, mais la pénitence. 
Cette application aux hommes et aux anges de la distinction entre la miséricorde et la vérité peut paraître sommaire. Elle est en effet simplificatrice. Mais c'est elle, en dernière analyse, qui explique que les hommes aient été rachetés alors que les anges ne l'ont pas été. 


III. LA NATURE ANGELIQUE DES DEMONS

Connaissant maintenant l'origine des anges et des hommes dans la pensée divine, nous comprendrons mieux les rai-sons de leurs différences de nature. 
La substance spirituelle constitutive des anges va rappeler la simplicité de la vérité de Dieu. Les anges sont constitués d'une substance spirituelle simple. Ils ne sont pas des êtres composés, comme les hommes. De cette simplicité consti-tutive, l'intelligence angélique va retirer ses deux principaux traits : la promptitude et la rectitude. 
L'intelligence angélique s'exerce avec promptitude. Pas de parties diverses à mettre d'accord, pas de délibération préalable, donc pas d'hésitation. Ange signifie messager. Les anges sont créés pour être des messagers rapides. Ra-pides, ils le sont naturellement aussi dans leurs déductions. Ils voient, d'un seul regard de l'esprit, les ultimes consé-quences de leurs décisions. Aussi dit-on souvent que leur pensée n'est pas discursive. 
L'intelligence angélique s'exerce également avec rectitude. Elle juge avec droiture, c'est-à-dire avec une logique par-faite. Elle aime, en Dieu, ce qui est rigoureux. 
Ainsi faits de promptitude et de rectitude, les anges ont été créés libres. Dieu veut qu'il adhèrent librement aux lois qu'Il a établies pour régler leurs activités. 
Que va-t-il se passer si les anges, usant mal de cette liberté, viennent à transgresser la loi divine, c'est-à-dire à préva-riquer ? Ils vont encourir un châtiment, bien entendu, mais ils vont cependant conserver leur nature angélique, laquelle ne leur est pas enlevée puisque "Dieu ne se repent pas de ce qu'Il a fait". Ils vont conserver leur promptitude et leur recti-tude constitutives. 
Mais alors cette promptitude et cette rectitude vont être détournées de leur finalité. Elles vont être déviées. Elles vont s'exercer à rebours de leur activité normale. La nature angélique va subsister mais elle va subir une distorsion. 
Nous avons vu que, du fait de la promptitude de leur intelligence, il n'y a pas d'hésitation chez les anges. Mais alors il ne va pas non plus y avoir de repentance chez les démons. Ils vont apercevoir, d'un seul regard, les conséquences de leur décision. Et s'ils prévariquent, c'est qu'ils se préfèrent à Dieu avec une volonté farouche. La pénétration de leur intel-ligence devait précisément leur éviter tout mouvement de révolte en leur en montrant l'aboutissement. 
Nous tenons là un des traits essentiels de la "mentalité" démoniaque, l'obstination. Tout ce que font les démons se retourne contre eux ; ils le savent et pourtant ils le font. Ils ne veulent, ni rétrograder, ni même s'arrêter en chemin. Rap-pelons ici le proverbe chrétien bien connu : «errare humanum est, perseverare diabolicum».
L'obstination est, en effet, diabolique. Elle l'est chez les démons mais elle l'est aussi chez les hommes. 
Sur ce sujet, citons un passage de saint Basile :
«Les anges ont reçu leur nature par le Verbe ; leur sainteté y a été ajoutée par le Saint Esprit. Ce n'est pas par l'exer-cice progressif des vertus que les anges sont devenus dignes de recevoir le Saint Esprit, mais c'est par un don gratuit qu'ils ont reçu la sainteté, un don ajouté à leur nature au moment de leur création et pénétrant leur être ; c'est pour-quoi ils ne peuvent que difficilement pécher». 
Que va devenir, chez les démons, la rectitude de l'intelligence angélique ? Elle va demeurer en eux mais elle sera dé-sormais utilisée à contre-sens. Elle va devenir la logique intempestive si caractéristique des décisions démoniaques. Le démon reste un logicien aux déductions rigoureuses parce que telle est sa nature d'ange. Mais, du fait de la prévarica-tion, il n'y a plus de vérité en lui. Le mécanisme de son raisonnement restera le même, et c'est le contenu de sa pen-sée qui sera changé. Il appliquera à des pensées fausses, un raisonnement logique. 
Quand il raisonne, le démon sait d'avance à quelle conclusion il veut aboutir. Et cette conclusion est évidemment fausse puisqu'il n'y a plus de vérité en lui. Alors de deux choses l'une : 
- ou bien il est obligé de partir d'un postulat juste, mais alors il lui fera subir une série de déviations insensibles pour arriver à la conclusion qui est préétablie 
- ou bien, quand il le pourra, il posera un postulat faux afin de parvenir à la conclusion qu'il s'est fixée, après un rai-sonnement d'une logique irréprochable. 
Il faut bien se garder d'entamer la conversation avec un tel logicien car on est battu d'avance. La logique du démon est la logique de la révolte, révolte qu'elle va prolonger jusqu'à ses dernières conséquences, jusqu'à ses extrémités les plus folles. 
L'enténèbrement des démons a envahi leur substance spirituelle tout entière parce qu'elle est homogène et ne pré-sente aucune coupure capable de limiter l'invasion. Les anges ne sont pas des êtres fragiles et frangibles. Dieu leur avait donné une solidité qui les mettait à l'abri de toute perturbation, si leur libre volonté fut restée bonne. Il a fallu aux anges révoltés un haut degré de malice et une prodigieuse volonté, pour préférer les ténèbres à la lumière. On comprend que Dieu ne soit pas tenu de leur faire miséricorde. 
La "mentalité" démoniaque doit, à sa nature angélique, deux traits essentiels : l'obstination et la logique. Nous devons nous attendre à retrouver ces deux traits dans les habitudes d'esprit des humains qui se font des imitateurs des démons. Tous ceux que Lucifer entraîne, il en fera des obstinés et des raisonneurs. 


IV. LES HIERARCHIES ANGELIQUES

Nous ne pouvons pas aller plus loin sans exposer la doctrine de l'Église sur la structure des hiérarchies angéliques telle qu'elle se présentait avant la réprobation d'une partie des anges. Car c'est cette structure initiale qui va nous éclairer sur la composition de la masse des démons. 
La description des hiérarchies célestes a donné lieu à quelques hésitations, comme bien d'autres notions religieuses. Il a fallu que le Magistère intervienne pour démêler le vrai du faux au milieu des opinions diverses. 
Finalement c'est la doctrine de saint Denis l'Aréopagite, celle qui avait été la première exprimée, qui finit par triom-pher. Saint Denis déclarait tenir sa doctrine sur les anges de saint Paul. Elle reçut plus tard l'appui de saint Augustin puis celui, décisif, du Pape saint Grégoire le Grand. 
Selon saint Denis, les anges sont répartis en trois hiérarchies. 
La première hiérarchie est la plus proche de Dieu. Elle comprend, à son tour, trois chœurs : le chœur des séraphins, celui des chérubins et celui des trônes. 
- Les séraphins sont des archanges brûlant du feu de l'amour de Dieu. Ils enflamment de ce feu les archanges qui sont au dessous d'eux. 
- Puis vient le chœur des chérubins. Leur intelligence diffère de celle des séraphins. Ils sont remplis de la science de Dieu. Ce qui les nourrit c'est plus la connaissance que l'amour de Dieu. A leur tour, ils reflètent cette science divine et ils en illuminent les chœurs inférieurs. 
- Vient ensuite le chœur des trônes dont le trait essentiel est la solidité. Ce nom de trône leur a été donné préci-sément parce que Dieu aime à se reposer sur leur robustesse comme on se repose sur un trône stable. On peut donc dire que les trônes ont l'honneur de soutenir Dieu. 
La deuxième hiérarchie, qui vient au-dessous, comprend les trois chœurs des dominations, des vertus et des puis-sances. 
- Le chœur des dominations. Les dominations sont des archanges sur lesquels on ne peut pas faire pression. Ils sont libres de toute influence. Aussi sont-ils, auprès des autres chœurs, même auprès de ceux qui leur sont supé-rieurs, les intermédiaires de l'autorité divine. On dit quelquefois qu'ils ont des fonctions d'ordre militaire. 
- Le chœur des vertus. Ces esprits diffusent la force divine aux chœurs inférieurs. On dit que c'est par les "ver-tus célestes" que se font les miracles, lesquels sont, en effet, des manifestations de la force divine, modifiant les lois de la création dans un cas particulier. 
- Le chœur des puissances. Certains commentateurs estiment que les puissances reçoivent la garde des cités terrestres, des grands collèges, des nations et des corps constitués. 
La troisième hiérarchie est la plus éloignée de Dieu. Elle comprend, comme les deux autres, trois chœurs : le chœur des principautés, celui des archanges et celui des anges. 
- Les anges et les archanges donnent lieu à une particularité linguistique qu'il faut signaler. Il s'agit du phéno-mène bien connu de la partie prise pour le tout. Dans le langage courant on donne le nom d'anges à tous les esprits célestes sans distinction de hiérarchie. Dans ce sens, un séraphin est un ange. On prend la partie pour le tout en gé-néralisant l'appellation d'ange qui n’est strictement exacte que pour le chœur inférieur. Le même phénomène se re-produit pour le mot "archange". On appelle ainsi tous les esprits célestes qui sont supérieurs aux "anges au sens strict". On parlera de l'archange Gabriel, étant bien entendu qu'il appartient indubitablement à un chœur très supérieur à celui des "archanges au sens strict". 

Pourquoi cette habitude de langage ? Probablement parce qu'on est resté longtemps dans l'incertitude quant à la véri-table composition des hiérarchies célestes. On les a longtemps confondus sous la même dénomination, ce qui n'est pas substantiellement faux puisqu'ils ont tous la même nature spirituelle. 
Posons-nous maintenant une autre question. D'où proviennent les noms des chœurs angéliques ? Ils viennent tous de l'Ecriture Sainte. Ange et archange se rencontrent à chaque page de l'Ancien et du Nouveau Testament. Séraphins et Chérubins sont ainsi nommés par les livres prophétiques. Quant aux cinq autres noms, ils se rencontrent dans les Épîtres de saint Paul aux Ephésiens et aux Colossiens : 
« ...Lui qui est le chef de toute Principauté et de toute Puissance». (Coloss. II, 10) 
« ...supra omnem Principatum et potestatem et Virtutem et Dominationem... ». (Ephes. I, 21)
Nous pourrions évidemment entrer dans bien d'autres détails intéressants. Mais nous avons voulu seulement exposer ce dont nous avons besoin pour comprendre la composition du collège des démons. Car nous verrons plus loin que l'on rencontre en enfer des anges des neuf chœurs. La population de l'enfer est donc composée d'éléments très différents les uns des autres. On va y rencontrer de grands séraphins déchus, comme aussi de simples anges, qui ont suivi la révolte. Cette large échelle de capacités spirituelles n'est pas sans influencer, d'abord le comportement des démons les uns en-vers les autres, et ensuite leur comportement à l'égard des hommes. La digression que nous avons faite était donc indis-pensable. 
Il est nécessaire d'apporter ici une précision. Les démons conservent entre eux les différences hiérarchiques qu'ils avaient dans le Ciel. Tous cependant, quel que soit leur rang, souffrent d'une dégradation générale à l'égard des esprits restés fidèles. Un mauvais ange, hiérarchiquement supérieur par nature à un bon ange, est soumis au pouvoir de ce der-nier. 


V. LES CIRCONSTANCES DE L'EPREUVE

C'est une vérité de foi que : «une partie des anges s'est détournée de Dieu et se tient à son égard dans une hostilité éternelle. Une question se pose donc immanquablement à l'esprit : à la suite de quelles circonstances ces anges se sont-ils détournés de Dieu. Quelle est l'épreuve qui a entraîné cette prévarication des anges ? La prévarication c'est le refus d'exécuter ses obligations. 
La nature de cette épreuve n'est pas clairement connue. On est réduit à des hypothèses. Nous avons choisi celle de ces hypothèses qui coordonne le mieux les connaissances certaines sur les anges et sur le Verbe Incarné. Il est bien évident que les anges connaissaient, dès l'origine, la précarité de leur situation et de leur statut. Ils savaient qu'ils avaient été tirés du néant par Dieu et que par conséquent ils se trouvaient d'une certaine manière, suspendus entre Dieu et le néant, tant qu'ils n'auraient pas été, d'une façon ou d'une autre, intégrés à Dieu. La stabilisation de leur état bienheu-reux ne pouvait résulter que de leur participation à la vie divine. 
Les anges se trouvaient, c'était l'évidence, dans une situation transitoire et préparatoire. Les théologiens disent, très justement, qu'ils étaient en état de voie et ils ajoutent qu'ils en avaient conscience. 
Les commentateurs s'accordent à penser que les anges possédaient déjà une profonde science de Dieu. C'est ainsi qu'ils distinguaient les Trois Personnes de la Sainte Trinité. Ils connaissaient le Logos comme agent de la puissance ex-térieure de Dieu. Mais jusqu'où allait cette science ? Et en particulier pouvaient-ils connaître par avance la mystérieuse Incarnation du Logos ? 
C'est dans cet "état de voie", dans cette situation d'expectative, que les anges assistèrent à "I'Œuvre des six jours", c'est-à-dire à la Création de l'univers matériel et à celle de l'homme. C'est alors que vint leur épreuve. Voici en quoi elle a consisté. 
Pour éprouver les anges, donc, Dieu leur montre, par anticipation, l'image du Verbe Incarné qui devait être, quand la plénitude des temps serait révolue, l'Adorateur suprême de Dieu et le Médiateur universel entre Lui et la Création, bref le Pontife et le Roi de l'Univers visible et invisible. Et Il leur montra aussi la femme privilégiée qui devait être la Mère de cet Homme-Dieu. 
On peut penser qu'à ce spectacle un frémissement immense parcourut les hiérarchies célestes et qu'une prodigieuse émotion les sidéra. Ainsi l'Homme-Dieu qui leur était montré, s'interposerait un jour entre la Création et la Divinité. C'est Lui qui assurerait la médiation. C'est Lui qui transmettrait à Dieu l'adoration des créatures célestes et terrestres. C'est Lui aussi qui dispenserait l'aide surnaturelle sans laquelle la participation à la vie divine n'est pas réalisable. C'est devant Lui que toutes les hiérarchies angéliques devraient s'incliner comme étant le premier personnage de l'univers. 
Les anges, qui n'avaient jamais connu personne entre eux et le Tout-Puissant, et qui lui adressaient déjà directement leurs adorations, allaient devoir s'incliner devant le trône universel du Verbe Incarné non seulement pour lui confier leurs adorations, mais encore pour recevoir de Lui, dans leur "état de voie" la grâce nécessaire à leur sanctification. 
Il faudrait être un ange pour mesurer la tension et l'effervescence qui parcourut la cour céleste à l'annonce d'un décret aussi mystérieux et devant une telle mutation. 
Lucifer refusa la souveraineté du Verbe Incarné. Son implacable logique lui dicta une décision effrayante. Il refusa sa soumission à "l'Adorateur Suprême" parce qu'étant lui-même placé au sommet des hiérarchies spirituelles, il voulait transmettre directement à Dieu, comme il l'avait toujours fait, sa propre adoration qui était exemplaire. 
Et il refusa de recevoir, du "Médiateur Universel", l'aide gracieuse nécessaire à son adoption divine parce qu'il s'esti-mait capable de parvenir à la sanctification par les seules vertus naturelles dont il était abondamment doté. 
De plus il ne voulait pas dépendre d'un Homme-Dieu qui ne serait pas un pur esprit puisqu'il tirerait de la terre la subs-tance de son corps. Plus radical encore fut son refus de s'incliner devant la "Mère-de-Dieu" qui serait une créature sim-plement humaine et que l'on prétendait lui imposer comme Reine des Anges. 
Quelques commentateurs et quelques mystiques pensent même que Lucifer pécha véniellement en refusant la su-prématie du Verbe Incarné mais mortellement en refusant celle de la Mère de Dieu. C'est lui, Lucifer, estimait-il, qui était désigné, en toute logique et donc en toute justice, pour devenir l’adorateur suprême et le médiateur universel par qui la participation à la vie divine devait s'opérer. Bref, l'Homme-Dieu lui prenait la place qu'il croyait lui être due, à lui Lucifer, en toute justice. Telles furent ses pensées en cette épreuve capitale. 
On comprend que cette épreuve ait comporté, pour un ange, une certaine difficulté. Mais elle n'était pas impossible à surmonter. Il n'était pas plus difficile, pour un ange, de s'incliner devant un Homme-Dieu qu'il est difficile pour un homme, de s'incliner devant une hostie qui n'est, dans ses apparences, qu'un produit végétal. De plus l'intelligence angélique était faite pour apercevoir, en un éclair, les conséquences à long terme de la révolte. 
C'est au Verbe Incarné que s'adresse le fameux non serviam de Lucifer. Ce "non serviam" s'est répercuté, d'écho en écho, parmi les anges et les hommes. Notre Seigneur l'entendit autour de Lui quand Il vint sur la terre, comme Il le dit Lui-même dans cette parabole : 
«Un homme de haute naissance s'en alla dans un pays lointain pour prendre possession du royaume et pour y revenir par la suite ...Mais les citoyens de ce pays le harassaient et ils envoyèrent une députation derrière lui pour dire : 
"Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous"». (Luc XIX, 12-14)


VI. LE RECRUTEMENT DES REVOLTES

Et voilà Lucifer parcourant les neuf chœurs des anges pour s'y constituer un parti, afin de faire pression sur Dieu par le nombre. Quel discours tint-il à tous ces esprits ? On connaît les deux grands thèmes qu'il développait : «Je serais comme Dieu», et «vous serez comme des dieux». 
Refusant la suprématie universelle de l'Homme-Dieu, Lucifer est entraîné par la fatalité de son insoumission et il se comporte lui-même comme s'il était l'Ange-Dieu. Sa logique implacable lui inspire une audace implacable : il réclame un pouvoir et un culte. Il parcourt les neuf chœurs en prêchant sa révolte et en même temps sa suprématie. Et les neuf chœurs sont touchés par l'effervescence et la contagion ; pas un seul chœur n'est épargné, ni le plus élevé, celui des sé-raphins, ni le plus bas, celui des anges. Lucifer fit des adeptes partout. Mais aucun chœur non plus ne sombra en entier. 
Quelle est la proportion des anges qui prirent le parti de Lucifer révolté ? Certains commentateurs de l'Écriture pen-sent que le tiers des anges se laissa entraîner à la prévarication ; ils se fondent sur le passage suivant de l'Apocalypse :
«...tout à coup on vit un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes ; de sa queue il entraînait le tiers des étoiles du ciel et il les jette sur la terre». (Apoc. XII, 3-4)
A l'opposé du parti luciférien, il se trouva des anges des neuf chœurs pour conserver la conscience de leur néant ori-ginel et pour accepter la grâce nécessaire à leur sanctification, de cet Homme-Dieu dont la cour céleste venait de rece-voir la Révélation. 
On sait qu'un héros se distingua parmi tous, saint Michel, que l'on appelle "archange" mais qui était certainement beaucoup plus qu'un archange. A la devise du héros de l'orgueil : «je serai comme Dieu», il opposa la devise de l'humili-té: «Quis ut Deus ? Qui est comme Dieu ?» 
Elle devint un mot d'ordre et circula dans les neuf chœurs. Les anges fidèles non seulement reconnurent le Verbe In-carné comme leur maître, mais encore ils se mirent à en désirer l'avènement avec ce zèle ardent que les anges peu-vent déployer. Et c'est pourquoi l'Oint du Seigneur, ce premier personnage de la Création, est appelé, dans l'Ecriture Sainte : «le désiré des collines éternelles». (Gen. XLIX, 26)
Qui sont les "collines éternelles" ? Ce sont les anges fidèles que l'humilité avait grandis et qui étaient devenus des "éminences". Quant au "désiré" lui-même, c'est l'Oint du Seigneur. 
Et pourquoi les anges L'ont-ils désiré ? C'est parce que Dieu ne veut pas descendre si l'on doit Lui rester indifférent. Il désire être désiré, car Il ne veut contraindre personne. Il montre ses plans pour faire soupirer après leur réalisation. C'est une loi mystérieuse de l'action divine à laquelle l'Oint lui-même se soumet, puisque le Père le conjure en ces termes : 
«Demande-Moi et Je Te donnerai les nations pour héritage et pour limites les extrémités de la Terre». (Ps. II,  
Ainsi le Verbe Incarné Lui-même est tenu de demander (postulare) un héritage qui Lui est pourtant destiné. Les anges ont été soumis à la même loi et c'est pourquoi l'Oint du Seigneur est appelé "le désiré des collines éternelles".


VII. L'ABANDON DES DEMEURES

On connaît, par l’Épître de saint Jude, l'une des modalités de la révolte des anges. Il faut la noter avec soin parce qu'on en retrouve les conséquences, sur la terre et à toutes les époques, dans le comportement des hommes et des ras-semblements humains que le démon inspire. 
Parlant des anges déchus que Jésus retient enchaînés pour le jour du Jugement, saint Jude fait allusion à une cir-constance particulièrement importante de leur révolte. Il parle de :
«ces anges qui n'ont pas conservé leur principauté, mais qui ont abandonné leur propre demeure». (Jude, 5-6)
Saint Jude exprime ici deux idées, conjointes mais distinctes ; par le mot "principauté", il exprime l'idée de désertion de la fonction ; et par le mot "demeure", l'idée d'abandon de la résidence. Les anges révoltés ne se sont plus contentés des principautés que Dieu leur avait confiées ; ils ont visé plus haut. Puis ils ont abandonné leur demeure, c'est-à-dire qu'ils se sont exclus eux-mêmes de la hiérarchie angélique et qu'ils ont constitué un parti, contestant les pouvoirs du Verbe Incarné et exigeant de le remplacer par un pur esprit n'ayant rien de commun avec la matière. 
Dans le langage humain, nous pourrions dire que les mauvais anges, au début de leur révolte, sont "descendus dans la rue". Ils ont envahi les parvis du ciel pour s'y livrer à une véritable manifestation de désobéissance et de revendication.
En quoi cet abandon des principautés et des demeures peut-il nous intéresser aujourd'hui ? C'est qu'il a marqué pour toujours la psychologie démoniaque. Le démon s'obstinera désormais dans la logique de cet abandon primordial. Le voilà sans fonction et sans place attitrée. Avec lui tous les anges révoltés sont devenus des astres errants. Cette modalité de leur révolte est devenue pour eux un caractère acquis et définitif : 
«Ces astres errants auxquels d'épaisses ténèbres sont réservées pour l'éternité». (Jude, 13)
Ils vont pratiquer l'errance qui est devenu leur manière d'exercer le pouvoir : être présent partout "cherchant qui dévo-rer". Un des premiers versets du livre de Job décrit ce comportement errant en des termes concrets : 
«Et Yahweh dit à Satan : d'où viens-tu ? Satan répondit à Yahweh en disant : de parcourir le monde et de m'y pro-mener». (Job I, 7)
Les esprits déchus sont des êtres gyrovagues. La pérégrination est le lot des inquiets. Caïn, après le meurtre d'Abel, a été, condamné par Dieu à l'errance : « ...tu seras errant et fugitif sur la terre». (Gen IV, 12) 
Les démons, d'âge en âge, vont communiquer ce goût de l'ubiquité aux hommes qu'ils auront sous leur coupe. L'esprit gyrovague dénote une influence mauvaise ; il n'est pas autre chose que l'horreur et la crainte de se trouver en face de soi-même. Il est le symptôme des consciences qui ne sont pas en repos. Il est une forme de cette inquiétude indélébile qui tenaille les esprits révoltés, qu'ils soient anges ou hommes. 
C'est bien souvent par la non-résidence que commence les troubles : autrefois par la non-résidence des évêques dans leurs cathédrales, aujourd'hui par la non-résidence des mères dans leurs foyers. 
Le sage de l'Ecriture, au contraire, "se tient sous son figuier", c'est-à-dire se contente de sa principauté et de sa demeure. Il n'aspire point à se trouver partout à la fois parce qu'il n'ambitionne pas de tout surveiller. Il a l'esprit de stabili-té qui favorise la contemplation et qui procure la compagnie de Dieu. Dans la chrétienté du moyen-âge, bien des monas-tères ajoutaient, aux trois vœux habituels, le vœu de stabilité. 


VIII. UN COMBAT DANS LE CIEL

Abandonnant donc leurs principautés et leurs demeures, les anges révoltés se rassemblent sur le parvis du ciel. C'est là que va se dérouler la grande bataille. 
«Et il y eut un combat dans le ciel : Michel et ses anges combattirent contre le dragon ; et le dragon et ses anges combattaient ; mais ils ne purent vaincre, et leur place même ne se trouva plus dans le ciel». (Apoc. XII, 7-Cool
A cette époque, il n'y avait encore ni enfer, ni schéol. C'est dans le ciel même que la mêlée s'est produite, au milieu de ce que nous avons appelé le parvis pour emprunter une expression concrète. 
Le dragon, c'est Lucifer. Il est plein de lui-même, d'une prodigieuse intelligence, d'une impeccable logique, d'une im-placable volonté, d'une activité sans repos, d'une redoutable habileté manœuvrière. Il se sait extrêmement fort. 
Et comme ses troupes sont nombreuses, il peut penser qu'elles vont dominer le parti des humbles et des obéissants. Elles vont le vaincre. Et il faut reconnaître que, selon l'état des forces naturelles qui sont en présence, c'est peut-être ce qui se serait produit. 


IX. LE TRONE AU DESSUS DES ETOILES

Observons maintenant Lucifer et ses anges, expulsés qu'ils sont dans les ténèbres extérieures. Ils ne vont pas s'y déplacer librement à l'état dispersé. Mais avant d'examiner dans quel lieu et dans quelles conditions ils vont être confi-nés, il faut essayer de comprendre quelles sont les dispositions spirituelles des anges déchus, à leur sortie du ciel. 
Nous savons déjà que leur nature angélique ne leur a pas été enlevée. Elle s'est seulement enténébrée. Mais main-tenant un caractère acquis est venu s'imprimer en eux. Ils vont désormais rester fixés dans la logique de la révolte. Ils vont pousser l'esprit de révolte jusqu'à ses plus effroyables conséquences. 
Un texte capital du prophète Isaïe décrit les ambitions de Lucifer. Au chapitre XIV, le prophète contemple, dans l'ave-nir, la ruine finale du grand dragon et il exprime sa stupéfaction devant la déchéance d'un esprit originellement aussi éle-vé : 
«Comment es-tu tombé du Ciel, Lucifer, fils de l'aurore ? Comment t'es-tu renversé par terre, toi le destructeur des na-tions ?» (Isaïe XIV, 12)
Le prophète donne à Lucifer le nom de "fils de l'aurore" parce qu'il a été créé, comme tous les anges, au commence-ment, c'est-à-dire à l'aurore du monde. 
Et Isaïe s'étonne de cette ruine quand il la compare aux ambitions inimaginables que Lucifer ruminait au moment où il excitait les anges à abandonner leur propre demeure : 
«Toi qui disais en tout cœur : Je monterai dans le Ciel : j'établirai mon trône au dessus des étoiles de Dieu ; je m'assiérai sur la montagne du testament, dans les flancs de l'Aquilon ; je monterai au-dessus des hautes nuées ; je serai semblable au Très Haut». (Isaïe XIV, 12-15)
Et nous n'avons pas là seulement le programme de la révolte des anges. Le texte d'Isaïe nous révèle aussi le plan qui sera désormais celui de Lucifer dans son action auprès des hommes. 
Il faudrait bénéficier de l'assistance du Saint Esprit pour comprendre ce que signifient des images comme : "au dessus des étoiles de Dieu", "la montagne du testament", "les flancs de l'Aquilon", "au-dessus des hautes nuées". 
Bien que ne les comprenant pas parfaitement, nous devons conserver ces expressions prophétiques présentes à l'es-prit. Elles ont eu ou elles auront certainement leur application au cours de l'histoire humaine puisqu'aucune parole de Dieu ne revient à Lui sans avoir été exécutée. 
Comment le grand dragon peut-il nourrir des ambitions aussi exorbitantes ? Comment gravir la montagne du testa-ment ? Comment établir son trône au-dessus des nuées ? Comment sortir en conquérant des flancs de l'Aquilon ? Par qui se faire adorer comme semblable au Très Haut ? Sur qui exercer cette suprématie pour laquelle il se croit fait ? 
Ces prétentions sont d'autant plus irréalisables, pour l'instant, que le cortège des réprouvés, serpente maintenant dans les ténèbres extérieures, vers l'abîme qui lui est désigné. 
sourec: site "la sainte église de Dieu"
 


29/04/2012
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