Jésus exorciste
Jésus exorciste
"Les Évangiles montrent la puissance tranquille de Jésus face aux démons", dit Patrick Dondelinger (p.5). En effet, dans plusieurs passages, Jésus guérit des "possédés". Historiquement, que peut-on en dire ?
Dans l'Évangile de Matthieu on lit cinq récits d'exorcismes, quatre chez Marc et cinq chez Luc. En faisant des recoupements on distingue au moins sept cas différents. Il faut ajouter une dizaine de phrases récapitulatives du genre : "il guérissait ceux que tourmentaient des esprits mauvais". Marc et Luc disent aussi que Jésus avait "chassé sept démons" de Marie de Magdala. Incontestablement les évangélistes ont gardé la mémoire d'un Jésus exorciste.
Puissance de la parole
Selon la croyance populaire de l'époque, un certain nombre de maladies et d'infirmités étaient attribuées à des "démons", "esprits mauvais" ou "impurs". L'épilepsie en est un exemple spectaculaire. Trois évangiles décrivent un enfant "possédé" qui en présente tous les symptômes : il devient raide, il a des convulsions, il écume (Mc 9, 18 ; Mt 17, 15 ; Lc 9, 39). Ailleurs Luc dit d'une femme courbée qu'elle était "possédée d'un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans" (Lc 13, 11). Le physique et le spirituel n'étant pas très séparés, Jésus guérisseur ne pouvait qu'être exorciste également. Les deux pratiques cependant diffèrent. Le guérisseur use de gestes médicaux. Dans l'exorcisme, c'est la parole qui compte. Jésus impressionne les foules par la puissance et l'aisance dont il fait preuve : "Il chasse les esprits d'un mot et il guérit tous les malades" (Mt 8, 16). L'exorciste devait connaître le nom du démon pour avoir prise sur lui, d'où la question posée au Guérasénien qui vivait dans les tombeaux en hurlant : "Quel est ton nom ?" "Mon nom est Légion…" (Mc 5, 9). Parce qu'ils soulignent l'autorité de la parole du Sauveur, les évangélistes vont même jusqu'à raconter l'apaisement de la tempête avec le vocabulaire de l'exorcisme : "il menaça le vent" (Mc 4, 39 ; Mt 8, 26 ; Lc 8, 24).
Proximité du Règne de Dieu
À l'époque, d'autres que Jésus pratiquent des exorcismes. Lui-même laisse entendre que c'est le cas de certains "fils" (disciples) de ses adversaires (Lc 11, 19). Les Actes racontent qu'il y avait des exorcistes juifs à Éphèse au temps où Paul y séjournait (Ac 19, 13). Fait remarquable, aucun ne chasse les démons en son propre nom. La puissance particulière de Jésus le fait soupçonner d'avoir un complice chez l'ennemi : "C'est par Béelzéboul, le chef des démons, qu'il chasse les démons", insinue-t-on (Lc 11, 15). Il lui est facile de montrer l'absurdité d'une pareille accusation, précisant qu'il exorcise "par le doigt de Dieu" (Lc 11, 20). Loin de le considérer comme un "impur", des possédés le reconnaissent, affolés, pour "le Saint de Dieu" (Mc 1, 24). En tout cela se manifeste la proximité du Règne de Dieu et la défaite de Satan.
En effet, la littérature dite "apocalyptique" (elle évoque les derniers temps et la victoire ultime de Dieu) classait les esprits mauvais dans "l'armée de Satan". Dans ce contexte on comprend la joie de Jésus lorsqu'il apprend que ses disciples soumettent les démons par son Nom : "Je voyais, dit Jésus, le Satan tomber du ciel comme l'éclair !" ( Lc 10, 18). Les anciens possédés sont rendus à eux-mêmes et ils retrouvent leur dignité. Ainsi le Guérasénien, une fois délivré de sa "Légion" d'esprits impurs, est "assis, vêtu et dans son bon sens". Mais alors qu'il demande à devenir disciple, Jésus lui confie une mission : "Va dans ta maison, auprès des tiens, et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi" (Mc 5, 15.19). La libération des captifs devait être, selon Isaïe, l'un des signes de la venue du Règne de Dieu. C'est ce qui arrive avec Jésus.
Madeleine LE SAUX, Dossiers de la Bible, n° 89, p. 15-16.
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