EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

« L’exorcisme n’est pas de la pensée magique »

Voix de l’Ain 4septembre 2009

Exorciste diocésain

Prévessin-Moëns- Par décision de Mgr Bagnard, Évêque de Belley-Ars, M. l’Abbé Emmanuel Faure a été nommé, exorciste diocésain courant 2009. Il poursuivra une mission d’études à l’Institut Notre-Dame de Vie à Venasque, tout en restant lié au groupement paroissial de Miribel. Déformé par le cinéma, la simple évocation de l’exorcisme déchaîne l’imaginaire… Ce rituel destiné à expulser une entité spirituelle maléfique, est universel et séculaire, mais entouré de mystères. Pratiqué au sein de l’Eglise catholique, l’exorcisme est à la fois officiel et gardé confidentiel. Comment se décline la pratique de l’exorcisme ? Sur quels critères ? Le prêtre Emmanuel Faure apporte des éléments de compréhension.

• Pouvez-vous préciser votre cheminement vers cette fonction ?
C’est un peu la providence qui a fait que je suis lié avec un ancien exorciste de Lyon. Il n’y avait plus d’exorciste dans notre diocèse et c’est une question qui m’intéressait. La première année je suis allé à Lyon, faire un genre de stage. C’était comme apprendre à nager ! Je me suis retrouvé dans un bureau à accueillir des gens. Mais il y avait toute une infrastructure. Depuis trois ans, je reçois à Ornex ou à Bourg.
• En quelques repères historiques, pourriez vous nous resituer la fonction d’exorciste dans la confession catholique ?
Pour l’église catholique, on voit déjà l’exorcisme dans l’évangile. Puis il y a eu assez vite une prière « guérissez les malades et chassez les démons ». Le dernier rituel de l’Eglise datait de 1614. Suite à la réforme liturgique du Concile Vatican II (1962-1965), on a refait le rituel des exorcismes, promulgué en latin en 1999 et en traduction française en 2005. Il y a une quinzaine d’années, il n’y avait que 20 ou 30 exorcistes en France. Maintenant il y en a un par diocèse.
• La fréquence de la pratique de l’exorcisme est-elle liée aux époques ou à une volonté de l’Eglise ?
La volonté de l’Eglise est depuis toujours. Après les années 1970 on a laminé beaucoup de choses, à notre période cette fonction revient. L’Eglise s’est réapproprié ce qui lui appartient : vous tapez sur internet « exorciste », vous avez tous les « goguelus » du monde ! L’Eglise dit, cette réalité là du combat spirituel et du combat contre le Démon fait partie de notre mission.
• Mais est ce que l’on peut dire que l’Eglise reprend « une part de marché », ou cherche ainsi à se repeupler ?
Quand j’entends « mon voyant m’a dit, on vous a jeté un sort duquel je peux vous libérer moyennant 1500 € »… Quand on vient me voir, c’est zéro euro. Si vous appelez ça une part du marché ! La finalité ce n’est pas de repeupler l’Eglise. Si ces personnes reviennent à la vie chrétienne, on sera heureux. On est dans une mission et c’est un terrain d’évangélisation.
Je vois des juifs, des non baptisés, des bouddhistes et je leur parle de Dieu, de Jésus en respectant la foi. Ils sont demandeurs, ce n’est pas moi qui suis venu frapper à leur porte.
• Quel est le rôle précis de l’exorcisme ?
En grec exorcisme signifie adjurer. C’est une parole d’autorité qui expulse le démon au nom du seigneur. La fonction de l’exorciste est de recevoir la personne, de discuter avec elle, de voir ce qu’il se passe dans sa vie.

• Dans quelles circonstances arrive t-on à faire appel à un exorciste ?
Les gens arrivent par le biais de leur paroisse ou de l’évêché. Pour ma part, j’ai à peu près un rendez vous par semaine. On va de la personne qui sort d’une secte satanique, à celle qui est malade psychiatrique, à celle qui a des problèmes avec sa famille et qui pense qu’on lui a jeté un sort.
• S’agit-il d’un accompagnement psychologique ? De pratiques religieuses officielles ?
C’est un accompagnement spirituel. La grosse difficulté est le discernement. Est-ce que c’est de l’ordre du spirituel ou du psychiatrique ? Notre action sacerdotale ne se situe pas au même niveau que la psychiatrie. Tous les deux mois, j’ai une réunion à Lyon, avec une équipe de psychiatres et des exorcistes de la région apostolique. Cela nous aide à positionner notre action comme prêtre. Il ne faut pas réduire l’exorcisme à un travail de psychiatre, ni réduire les gens que l’on voit dans la catégorie « fous ». Certains vont vivre quelque chose spirituellement.
Il arrive que les gens soient mécontents car c’est quand même plus facile d’indiquer le coupable quand on l’a sous le nez, plutôt que de chercher nos propres complicités ! J’incite la personne à se questionner sur la façon dont elle va entrer dans la démarche de combat spirituel.
Il y a tout un travail, tout un ministère pastoral d’éclairage, de discernement et d’accompagnement. L’exorcisme n’est pas de la pensée magique.
• Pourquoi l’Eglise reste t-elle discrète sur ces pratiques ?
L’Eglise me demande d’être très discret sur les exorcismes, sur la pratique elle-même. Le rituel, vous ne pouvez pas le trouver. Seulement à Rome en latin. Il n’y a dans le diocèse que l’évêque et moi qui l’avons.
Il y a une question de discrétion par rapport aux personnes. Et par rapport à tous ces « margoulins », qui représentent une véritable nébuleuse, qui pourraient prétendre être exorcistes. La prière n’est pas un acte mécanique, vous priez le Bon Dieu, qui peut passer par n’importe qui.
La prière de l’exorcisme suit le rituel du baptême : il y a la demande de pardon au début, la parole de Dieu, on prie les Saints, il y a l’imposition de la main… et après il y a la prière de l’exorcisme qui est composée de deux prières. Une prière déprécative, c’est-à-dire que l’on demande à Dieu de libérer la personne de l’action du Démon ; et la deuxième prière est l’exorcisme proprement dit, c’est la prière impérative, « Dieu t’adjure Satan etc… ». C’est une longue prière très belle, très paisible. La prière impérative ne se fait jamais sans la prière déprécative.
Cette prière est quelque chose de solennel. C’est pour cela que c’est compliqué d’en parler, que c’est compliqué de le vivre. Et qu’on le veuille ou non, on joue avec le feu, c’est vraiment passionnant mais le jour où on se ramasse… Cette réalité démoniaque existe, on n’en a pas peur, on s’en méfie, on la combat.

• Comment appréhendez vous la pratique de l’exorcisme ?
C’est là où l’on voit qu’il y a une grâce. Cela ne m’a jamais empêché de dormir. C’est assez stimulant intellectuellement. C’est un ministère qui demande un grand détachement dans la rencontre et après, car dans 99% des cas on n’a aucun retour. De plus c’est un travail en Eglise et non pas individuel. Avec les gens qui viennent accompagnés de leur curé on fait vraiment un chemin.
J’ai une formation scientifique alors j’aime que les choses soient cadrées. Lorsque l’on arrive à faire l’exorcisme c’est avec une certitude morale que l’on a affaire à un cas démonique. Parfois, il me semble que c’est très intuitif. C’est pour cela que je vais travailler sur le discernement.
Dans le rituel il y a trois signes de la possession : force surhumaine, parler une langue que vous n’avez jamais apprise, et prédire l’avenir. Et maintenant a été rajouté, une haine contre Jésus et les choses religieuses. Ces quatre aspects, on les retrouve dans des maladies psychiatriques. Alors il faut trouver d’autres critères, qui vont aider à être moins démunis face au cas. C’est toute la relation entre vie psychologique et vie spirituelle.
• A notre époque, quels sont nos démons ? Ceux qui amènent les gens à faire appel à vous ?

Si l’on parle des démons au sens figuré… la solitude et la perte de sens spirituel. La faiblesse spirituelle fait que l’on est prêt à se tourner vers des « forces » pour capter tout ça. C’est propre à notre occident et à notre époque. Les notions de partages, le soutien de la part de la communauté… il y a des valeurs sous nos latitudes qui sont un peu perdues et qui ouvrent à l’angoisse, au manque d’espérance et à cause de ce matérialisme, au manque de sens spirituel.

 

source: site de "la voix de l'ain"



30/04/2012
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