EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

Réflexions d’un exorciste:

Réflexions d’un exorciste

 

"Vous êtes exorciste?" La réaction de celui qui pose la question est parfois la peur, une peur habituellement liée à des représentations humaines et corporelles de Satan. Plus souvent, chez des personnes soi-disant "évoluées", la réaction est un sourire empreint de commisération : "Vous croyez (encore) au démon? Pourtant la psychologie a expliqué et supprimé ces élucubrations du Moyen Age". Autre réaction encore : "Est-ce vraiment comme dans le film L'exorciste? N'avez-vous pas peur?" Cependant, au-delà de toutes les réactions, qu'il s'agisse de croyance superstitieuse ou de non-croyance, l'existence du démon et son travail dans le monde sont pour moi, de plus en plus, une évidence : il assaille et agresse ceux qui sont donnés à Dieu, ceux qui ont oublié leur Foi ou qui en ignorent tout. Bien sûr, il ne faut pas voir partout des actions directes du démon, mais il faut être aveugle pour ne pas voir que l'Adversaire " ...comme un lion qui rugit, va et vient à la recherche de sa roie" (1P 5, 8). Si l'esprit du mal n’existe pas, alors je peux supprimer des pans entiers de l'Ancien comme du Nouveau Testament. Et je ne vois même plus pourquoi Jésus est mort sur la Croix Glorieuse, pourquoi il faut baptiser, etc.

 

Une rencontre avec des pauvres

 

C'est une banalité de dire que les possessions diaboliques sont rares et même très rares. En près de deux ans, j'ai pratiqué l’exorcisme par deux fois sur la même personne. Mais à part l'exorcisme proprement dit, il est moins banal de rencontrer des personnes agressées ou infestées par l'esprit du mal. Dans de nombreux cas, la personne lui a ouvert la porte par des pratiques ou des fréquentations douteuses; ou elle est sous l'emprise d’autres personnes qui, par toutes sortes de moyens, réussissent à la perturber.

 

Il y a beaucoup de misères physiques dans le monde; il y a plus encore de misères intérieures, misères de l'âme, de l'esprit et du "coeur". En ce sens, tous ceux que je rencontre sont des pauvres : je me trouve face à des abîmes de souffrance, d'abandon, de solitude, de repliement sur soi et je vois beaucoup plus les larmes que la joie. Au-delà de ces pauvretés, je dois plus encore constater la pauvreté de la foi. Entendons-nous bien : la foi est toujours “pauvre”, que l’on soit savant, intelligent ou non, en ce sens que croire est toujours un dépouillement de soi, un vide que l'on fait pour que l'Amour de Dieu puisse nous remplir. Je rencontre parfois des "petits", des ignorants, des incultes chez qui tout l’exercice de la foi se résume à allumer un cierge, mais ils font ce peu de chose avec une foi remplie d'amour.

 

Il ne faut donc jamais juger les intentions, mais il faut aussi ne pas se cacher la misère de la foi; dans nos régions, la foi est en sérieuse perte de vitesse. En questionnant, je remarque que chez la majorité de ceux que je rencontre, il reste bien un peu de foi, mais elle se résume par la réponse habituelle : "Je suis croyant, très croyant, mais je ne pratique pas ”. D'une certaine manière une telle déclaration équivaut à dire : "Je suis croyant mais je ne vis pas de ma foi".

 

Par contre, beaucoup de personnes prient tous les jours, mais ce sont des prières très exclusivement orientées : "Je prie tous les jours sainte Rita, ou saint Antoine" ou "Je vais allumer un cierge à l'église, quand elle est ouverte..." Je leur réponds que tout cela est bien et même très bien; il faut cependant que je leur dise qu’il y a un “  Mais... ”. “ Mais, est-ce que tu pries le Christ, ou le Père, ou l'Esprit Saint? ” Certains répondent : “ Jamais ”; d'autres ne répondent rien et se demandent visiblement de quoi, de qui je parle.

 

La plus grande des pauvretés, c'est l’ignorance incroyable des choses de la foi, surtout de la foi en DIEU-AMOUR. Beaucoup de chrétiens en sont là, il ne faut pas se le cacher; ils baignent dans un monde d’incroyance, ils en sont victimes et ils sont dès lors extrêmement vulnérables, livrés à la superstition, aux "croyances" marginales. Ainsi ils sont mûrs, préparés à se tourner non vers Dieu, mais vers les voyants, médiums, radiesthésistes, désenvoûteurs, "exorcistes", sorciers, spirites, etc. Ce sont ces personnes-là que je reçois dans mon ministère, plus ou moins marquées par toutes ces rencontres, mais toujours perturbées, découragées, dépressives. En terminant ce paragraphe, un exemple qui montre combien on peut être désorienté; on vient me trouver, sur le conseil d'un voyant..., pour me demander si je peux "faire quelque chose" pour que l'amant, ou la maîtresse, ne s'éloigne pas, car c'est le seul moyen de porter les difficultés d'un couple en mésentente. Ce "quelque chose" devrait être ma prière... Mais, dans tous les cas, il faut TOUJOURS écouter la personne, dans la prière et prier d'abord avant de la rencontrer; sans cela il n'est pas possible d'apporter un baume sur tant de blessures.

 

Une passionnante catéchèse personnalisée

 

La personne qui se trouve devant moi est en attente, mais souvent sans savoir ce qu'elle attend. Elle est très confiante et parfois elle ouvre son coeur, pour la première fois, après des années ou des dizaines d'années de repli sur elle-même; elle est donc souvent prête à écouter. Il faut, pendant une heure ou deux ou plus encore, amorcer une catéchèse sur les choses essentielles. Cela suppose qu'on se rencontre plusieurs et ce n'est pas toujours possible. Mais je pense remédier à cela, modestement, par la publication prochaine d'une brochure envoyée à tous ceux que je rencontre, destinée à présenter un ABC de la foi.

 

Dès la première rencontre ou la seule rencontre, il faut que le mot AMOUR soit le fil conducteur: dire et redire les trois mots de saint Jean "DIEU EST AMOUR" me paraît capital, je n’invente d'ailleurs rien en agissant ainsi. Je pose des questions : "Tu es baptisé, confirmé, marié à l'église?" Tous sont baptisés; un seul cas, en près de deux ans, d'un non baptisé, quelques cas aussi de musulmans qu'un imam envoie chez moi parce que lui ne peut rien faire...

 

Et je viens le plus vite possible au rappel du Baptême, point de départ qui bouleverse la vie du chrétien parce que c'est au Baptême qu'il a été "plongé" dans l'Amour de Dieu . "Est-ce que tu sais que Dieu t'aime à la folie? Est-ce que tu sais qu'Il t'aime personnellement, intimement, jusqu'au ‘coeur’(et il faut expliquer ce que veut dire le ‘coeur’) et pas d'une manière vague lointaine ou globale? Quand le prêtre t'a baptisé, il n'a pas seulement dit ‘Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit’ , mais il a dit ‘ Michel, Véronique, je te baptise...’. Dieu a pour toi un Amour personnel, Il t’appelle par ton nom, tu es unique au monde à ses yeux et, dans son coeur, tu as du prix, personnellement, à ses yeux. Et la réponse à l'appel unique qu'il te fait t'invite aussi à Lui répondre personnellement; personne au monde ne peut le faire à ta place. Tu as reçu le trésor de l'Amour de Dieu, tu as reçu, signifiée par la flamme du cierge de Baptême, la Lumière du Christ mort et ressuscité, tu as reçu dans ton coeur l'Esprit d'Amour ”. Cette mention du cierge de Baptême touche toujours; je rappelle les paroles du rituel : "Veillez à entretenir cette Lumière... "; il ne faut pas que la flamme diminue ou s'éteigne.

 

Et je peux aborder par là l'importance des sacrements et surtout de l'Eucharistie qui sont les moyens absolument nécessaire pour VIVRE en enfant de Dieu. De même qu'on prend soin de nourrir son corps pour la vie matérielle, de même il faut, au plan spirituel et de toute notre personne, le “ coeur ”, la nourriture et la force des sacrements pour que la flamme ne faiblisse pas, pour que grandissent en nous l’Amour de Dieu, la vie éternelle et la Résurrection.

 

Les fausses idées ou images de Dieu

 

Tout cela m’amène à dire à la personne qu’elle est, par le Baptême, capable de lutter contre les agressions du démon, non par ses propres forces, mais par la force du Christ ressuscité, vainqueur du mal, du péché, de la souffrance, de la mort et du démon. L’image (qui est d’ailleurs beaucoup plus qu’une image) du corps, employée par saint Paul, touche toujours : nous sommes les membres du Corps et c’est par là que nous pouvons, que le Christ peut lutter en nous et avec nous. “ Le voyant t'a dit que tu étais victime d’envois négatifs; un autre ‘spécialiste’ te dit que tu es sous l’empire de la magie, d'un envoûtement, etc. Tu es déjà capable de lutter parce que tu es chrétien et parce que l’Amour de Dieu, si tu le veux, peut te réveiller dans la foi ”.

 

C'est ici que je rencontre fréquemment les fausses idées ou images de Dieu. J’ai parfois devant moi des personnes pour qui Dieu-Amour est un inconnu. Certaines m'ont déjà dit qu’elles n’avaient jamais entendu parler ainsi ! C’est que, d’abord, traîne encore dans les esprits l’image d’un Dieu à forme humaine, un père barbu, toujours irrité, toujours prêt à frapper ou punir. Et elles doivent apprendre que cela est le contraire de Dieu. “ Dieu est Amour ” doit revenir comme un refrain. Mais il y a une autre conception erronée qui trotte encore dans les esprits : celle d’un Dieu du Bien et d'un dieu du mal qui luttent à force égale. Et il faut redire que Dieu seul est Dieu et que le démon est une créature. Il n’y a pas de fatalisme qui nous met sous l’emprise du démon : il est battu d’avance par la force divine du Christ ressuscité. Une vraie VIE chrétienne est la seule solution profonde à leurs problèmes.

 

Les actions de Dieu

 

Dès lors que la vie chrétienne est branlante et que, par le fait même qu’on s’adresse aux voyants, médiums, etc., on ouvre la porte à l’esprit du mal, on entre dans un cercle infernal (c’est le cas de le dire), on se détourne du Dieu d’Amour et de Vie pour flirter avec l’Adversaire. Autrement dit, on passe d’un Dieu qui jamais n’impose, mais toujours propose son Amour à notre liberté, à l’esprit du mal qui nous prive de la liberté.

 

Il faut insister auprès de la personne sur le fait qu’à sa profession de foi d’abord, mais surtout à la Confirmation elle a, librement, choisi la foi en l’Amour des trois Personnes divines, après avoir renoncé à l’esprit du mal, à Satan, au péché. Un jour, j’ai reçu des jeunes qui, par deux fois, avaient pratiqué le spiritisme; la deuxième fois a été catastrophique. Ils ont fait cela par jeu, par curiosité et aussi par manque de jugement. Je leur ai dit que je ne les jugeais pas, ne les accusais pas, mais que leurs expériences étaient en contradiction directe avec les promesses de leur Baptême et de leur Confirmation. Je peux rappeler cela dans la plupart des cas qui demandent, en plus de leur lutte personnelle, une aide particulière de Dieu, prière de délivrance, imposition des mains, onction des malades, mais aussi, très souvent bénédiction des maisons. Pour tout cela, il faut être rusé comme un Sioux. Je veux dire qu’il faut expliquer très clairement que moi, je ne suis ni voyant, ni magicien; que les gestes et les rites que j'accomplis sont profondément chrétiens; il faut abolir tout ce qui peut traîner de superstition dans les esprits.

 

Par exemple, pour la bénédiction d'une maison, rituel si oublié et même dénigré aujourd’hui (“ C’est fini, on ne fait plus cela! ”), il faut toujours bien expliquer qu’il ne s’agit pas de magie ou de superstition. Expliquer d’abord le symbolisme de l’eau et du sel et ensuite annoncer que bénir une maison, c’est installer la Croix Glorieuse; c’est une Présence du Seigneur. Aussi, je demande d’abord: “ Avez-vous une croix? Placez-la en un endroit de choix où il est facile de la regarder sans qu'elle soit un bibelot parmi tant d'autres ”. Il faut renverser la vapeur : les voyants, médiums et autres leur disent de mettre du sel dans les coins de toutes les pièces, d’en porter sur eux, de mettre un pot d'eau en dessous de leur lit (sic), etc. Le rituel de bénédiction d'une maison est une merveille : c’est l’occasion pour moi d'une catéchèse importante et longue; jj'y consacre quarante-cinq minutes à une heure. Expliquer le sens des gestes, des mots, des symboles est évidemment plus important encore dans le Sacrement des malades; il faut prendre son temps : si tout est bien expliqué, les personnes sont en situation d’attente, d’espérance et de foi.

 

Un ministère d’amour et de prière

 

Etre exorciste n'est pas de tout repos; je n’entends que des choses qui ne vont pas, je ne rencontre que des personnes accablées, fatiguées, perturbées, dépressives, et cela risque d'être contagieux. Pour en sortir, il faut garder les pieds sur terre, avoir en soi, cela peut paraître curieux, une bonne dose d'humour, mais il faut surtout prier, être prière avant, pendant et après les rencontres; il faut aussi engager les personnes à la prière mais aussi, c'est très important, au pardon, car le non-pardon peut être un blocage complet de la vie chrétienne.

 

Etre exorciste, c'est un ministère admirable où, sans aucun mérite, je me sens porté et traversé par la compassion, la miséricorde, l'Amour du Seigneur. Le lecteur aura bien compris : l’exorcisme n'a rien de spectaculaire : attaquer le démon en face est très rare; mais c'est rencontrer avec amour, écoute et patience... beaucoup de misères cachées, liées à la déchristianisation, à l'occultisme, à la superstition, c'est toucher du doigt l'absence de Dieu et tout faire pour réveiller la foi et engager un retour à une vie chrétienne authentique. Les résultats, habituellement, n'ont rien de sensationnel, mais là n'est pas l'important : ce qui est important c'est que Dieu, LUI, puisse trouver une ouverture dans les coeurs. Je ne suis qu'un instrument dans ses mains, mais un instrument de son AMOUR. L'Esprit Saint fera le reste.

 

Chanoine Paul LEONARD,

exorciste du diocèse de Namur,

rue Courtejoie...

B-5590 Ciney

 source: site scarlet.be



06/05/2012
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