EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

Rencontre avec un prêtre exorciste

Rencontre avec un prêtre exorciste

  • Propos recueillis par Edith Castel

Le diocèse compte trois prêtres exorcistes - les pères Isidore Froc, Louis Denis, Camille Testard - secondés par une équipe composée de deux religieuses. Membre de la Congrégation des Eudistes, ancien Directeur diocésain de l’Enseignement catholique, aujourd’hui associé au service pastoral dans la communauté chrétienne locale de Breteil, qui fait partie de la paroisse de Saint-Louis-Marie en Brocéliande, le père Louis Denis remplit depuis cinq ans la mission d’exorciste, il pense avoir reçu près de 250 personnes par an. Interview.


Eglise en Ille-et-Vilaine : Faut-il encore parler du diable aujourd’hui ?


Père Louis Denis : Ce sont les gens qui nous en parlent. Les personnes qui viennent consulter le prêtre exorciste disent avoir des visions, être envoûtés, ensorcelées... A vrai dire, plus ça va, moins les gens parlent du démon comme tel ou de Satan, ils parlent plus volontiers d’entités, de forces négatives et ils font l’économie d’une personnalisation du démon. D’un autre côté, je trouve que le démon permet de personnaliser quelque chose qui demeure très difficile à appréhender : le mal.


Que cherchent ceux qui viennent voir un prêtre exorciste ?


Beaucoup viennent parce qu’ils ont relu leur vie avec une accumulation d’événements malheureux, de difficultés, d’épreuves. Ce sont souvent les petites contraintes de la vie de tous les jours, mais chez des sujets fragiles, elles produisent un sentiment d’accablement et les amène à se demander : « Pourquoi cela m’arrive-t-il à moi et pas aux autres ? » Il y a aussi les mésententes conjugales ou familiales, les enfants qui tournent le dos à leurs parents, les accidents...

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© Eglise en Ille-et-Vilaine

C’est la fragilité qui amène les personnes à se croire « possédées » ?


La fragilité et la peur sont les deux dénominateurs communs les plus fréquents. La fragilité qui peut aller jusqu’à la naïveté grossit les éléments, provoque la culpabilité, et se conjugue souvent avec la peur et la solitude. La personne a alors le sentiment qu’elle « va dans le mur ».


L’exorciste est alors le dernier recours ?


Un grand nombre de personnes qui viennent nous voir ont déjà frappé à d’autres portes : chamans et voyants de toutes sortes qui font une grosse publicité dans les petits journaux gratuits et qui « plument » parfois ceux qui vont les voir. Il arrive aussi que ce soit ces « voyants » qui nous les envoient !


Pensez-vous que dans le rural il y a encore des restes d’envoûtement et autres pratiques occultes ?


On ne les rencontre pratiquement que dans le rural profond. J’entends par « rural profond », les gens qui perdent leurs bestiaux, qui viennent chercher du sel bénit, ou qui croient être ensorcelés par leurs voisins. On en voit de moins en moins.


Qui est le démon pour ceux qui viennent vous voir ?


Ils ne le nomment pas, mais ils iront jusqu’à dire qu’ils ont été ensorcelés par quelqu’un qui « a du pouvoir » sur eux. Ca fait partie des peurs. Ils ne savent pas l’expliquer mais ils en sont convaincus.


Que pouvez-vous faire dans ce cas ?


Notre rôle est d’abord de les rassurer en leur demandant s’ils ont eux-mêmes du pouvoir sur les autres. La réponse est généralement négative, ce qui ne les fait pas avancer pour autant. Ce que nous reprochons aux commerciaux de l’occulte que sont les voyants, c’est souvent de semer le doute dans l’esprit des gens. Ils reçoivent les gens, comme nous les recevons, c’est à dire avec leurs angoisses, mais très vite ils pointent du doigt l’environnement : « Il y a quelqu’un qui vous en veut ». C’est non seulement malhonnête, mais ça peut devenir dramatique si cela débouchait sur un meurtre ! Notre premier rôle est d’accueillir les gens dans l’état où ils sont, de prendre le temps de les écouter, puis de chercher à discerner ce qui pourrait être occulte dans leur situation, en leur donnant notre point de vue. Il y a un a priori de confiance chez ceux qui font la démarche puisqu’ils prennent l’initiative de venir. Cette confiance, nous devons la mériter, mais d’un autre côté, elle nous donne un certain pouvoir pour rassurer.


Le fait que vous soyez prêtre vous aide ?


Certainement ! La plupart des personnes qui viennent pensent que le prêtre exorciste jouit d’un pouvoir que l’on ne sait pas trop définir mais qui va probablement être bienfaisant. Dans plusieurs cas, les personnes demandent : « Qu’est-ce que vous allez faire avec moi ? » Au téléphone, il n’est pas rare que les personnes me demandent « Vous faites des exorcismes ? Est-ce que ça fait mal ? Est-ce que ça coûte cher ? » Je pense que le prêtre exorciste représente un signe d’évangélisation dans l’Eglise dans la mesure où il essaie de faire apparaître ou réapparaître le visage du Christ, le visage de Dieu, et surtout la sérénité qui doit être l’apanage du chrétien face à la vie. Le fait que leur récit ne semble pas nous troubler fait déjà baisser la pression. Ensuite on leur dit : « Il y a Quelqu’un près de vous que vous ne connaissez pas mais qui vous aime et se tient près de vous ; on va le prier ensemble, puis vous aller continuer et moi aussi je continuerai à prier pour vous ». La plupart du temps, les personnes partent rassérénées. Je crois que le rôle de l’exorciste n’est pas tant de combattre le mal que de remettre sur le chemin de Dieu des gens qui l’ont un peu oublié.


Quel type de personnes recevez-vous ?


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© Tableau d’Arcabas - Photo Eglise en Ille-et-Vilaine
Jésus calmant la tempête : ce tableau du peintre Arcabas est accroché dans la chapelle de la Maison des prêtres âgés de Montigné.

Les niveaux culturels des personnes qui viennent nous consulter sont très variés. Nous recevons aussi bien des personnes de professions libérales - médecins, juristes, ingénieurs -, que des gens qui travaillent à l’usine ou au bureau, hommes ou femmes. Tous arrivent très angoissés, tirant un lourd passé dont ils n’arrivent pas à se dégager. Le dialogue passe bien si on prend le temps de les écouter.


Partant de votre propre expérience vous diriez que la plupart du temps c’est de l’angoisse plus qu’un phénomène de possession ?


Lorsqu’elles ne comprennent plus, les personnes demandent qu’on les aide à sortir de cette angoisse qui ne les quitte plus, de jour comme de nuit. En ce qui me concerne, j’ai rencontré des cas « particuliers » mais qui sont tellement mêlés avec un aspect schizophrénique qu’il était fort difficile de faire la part du diabolique et du psychologique. Je n’ai encore jamais fait de « grand exorcisme » car je n’ai jamais eu la certitude de me trouver devant un cas de possession. Là où je m’en suis le plus approché, c’est avec des gens qui ont « bricolé » avec l’occulte et qui peuvent présenter des phénomènes para sataniques ; ou avec des personnes gravement dépressives qui parfois se « sentent possédées ».


Comment se manifeste la possession ?


Je pense que cela se manifeste avant tout par une complicité consciente avec le mal. La possession signifie que l’on abandonne toute maîtrise de soi. C’est d’ailleurs mon argument avec certains : « Vous êtes venu me voir de votre plein gré, vous avez donc une certaine liberté ». Ce que l’on redoute beaucoup actuellement, c’est ce qui arrive chez des jeunes - 15 à 40 ans - qui deviennent accro des soirées « gothiques » ou « métal », des « rave parties » où ils font une consommation de boissons, de drogues, de sonorités, d’images, de danses, qui cherchent certainement à destructurer la personne et à créer un état de transe. Les gens ne savent plus où se situer. Une fois en passant, ce n’est probablement pas méchant, mais une consommation fréquente de ces séances occultes ne peut qu’être dangereuse. Il ne faut pas non plus sous estimer l’impact d’Internet en la matière, car il offre une foule de sites « bizarres » et précisément de type satanique. Si vous tapez « Satan » ou « Lucifer » vous atterrissez sur des sites qui vous invitent à vous libérer de toute contrainte, de toute morale, à vivre votre vie en vous laissant aller..


C’est une expression de la misère...


C’est une misère cachée à partir du moment où on ne peut plus s’en sortir.


Après la visite, que se passe-t-il ?


Nous ne leur demandons pas habituellement de revenir nous voir. Nous ne proposons pas nous-même un accompagnement personnalisé, par contre je leur demande volontiers de me donner de leurs nouvelles par téléphone. Certains le font, d’autres pas ! Ce qui est important c’est que les personnes se sentent accueillies, écoutées, rassurées, prises au sérieux dans leur détresse. Mais je précise toujours qu’elles ne doivent pas attendre de moi un geste magique.

  • Propos recueillis par Edith Castel, source: Site du diocèse de Rennes St Malo


02/03/2012
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