EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

Entretien avec le prêtre exorciste de Haute Savoie

Tombé en désuétude pendant longtemps, le rôle d'Exorciste revient sur le devant de la scène. Chaque diocèse se doit d'en posséder un.

 

Mais au-delà des idées reçues et de la réputation sulfureuse de cette fonction particulière, la réalité est souvent plus prosaïque.
Pas de cérémonial particulier ou de fiole d'eau bénite dans la poche. Ni de soutane. Le père Marcel Veyrat ressemble à monsieur tout-le-monde. C'est pourtant lui le prêtre exorciste du diocèse d'Annecy. La fonction ne laisse généralement pas indifférent et prête à moult commentaires plus ou moins avisés, que le cinéma et la littérature n'ont pas manqué d'alimenter. L'Exorciste est couramment perçu comme un missionnaire envoyé par l'Eglise pour chasser le démon. Le père Marcel Veyrat en sourit. Il le dit d'emblée : « Si vous voulez de l'extraordinaire, allez chercher quelqu'un d'autre... » Une fillette qui éructe des insanités, ou une tête qui tourne à 180 degrés, ce n'est pas franchement son quotidien. Le film "L'Exorciste", le père Veyrat confie ne même pas l'avoir vu. Mais en avoir souvent entendu parler... « Cela ne correspond pas à ce que je vois », glisse-t-il. Car sa fonction d'Exorciste s'apparente d'abord et avant tout à un travail d'écoute et de conseil.

« Dernier recours » 
Face à des gens désemparés, « parfois dans un état d'extrême solitude », son rôle se situe à mi-chemin entre celui du psychologue et du prêtre. Le surnaturel n'a que peu de place dans l'idée qu'il se fait d'un Exorciste. Le mot lui-même - il le concède - est quelque peu galvaudé. Sa connotation vaguement sulfureuse « prête à ambiguïté. » Depuis quelques mois qu'il exerce sa charge, Marcel Veyrat a déjà été sollicité par de nombreuses personnes, en quête de réconfort. Pour cela, il est entouré d'une cellule de plusieurs personnes, laïcs bénévoles. « Pour beaucoup, venir me voir est comme un dernier recours », relate le père Veyrat. Et certains n'ont pas hésité à "consulter" au préalable marabouts et autres désenvoûteurs en tout genre. Pas forcément honnêtes, d'ailleurs. Quand ces personnes se présentent à lui, l'Exorciste est clair : il ne va pas brandir un crucifix et se lancer dans des litanies en latin. Ni plonger le nez dans un missel. Une prière spéciale existe bien mais l'Exorciste haut-savoyard n'y a (encore) jamais eu recours. En revanche, il travaille en collaboration avec des psychologues et médecins. Et recherche en priorité tous les remèdes d'ordre rationnel à des problèmes relevant, selon le père Veyrat, de la psychiatrie. Ou d'obsessions comportementales.
« Un jour, quelqu'un est venu me voir, en me disant : "Faites quelque chose contre ma belle-mère, sinon ça ne sert à rien"... » Paranoïa, schizophrénie, les troubles mentaux peuvent expliquer bien des choses. Dans une société où les repères se perdent, la tentation de voir le diable partout est plus forte.
Signe des temps, les exorcistes reviennent sur le devant de la scène. Alors qu'en France ils se faisaient de plus en plus rares, le Vatican a demandé à ce qu'il y en ait au moins un par diocèse. Des formations sont même organisées. Après sa nomination, le père Veyrat a participé à une journée de rencontre nationale avec de nouveaux prêtres exorcistes.
La fonction semble aujourd'hui moins taboue. Mais garde une aura mystérieuse, que des siècles de témoignages oraux ont façonnée.

OLIVIER DURAND

Pour un rendez-vous avec le prêtre exorciste, prendre contact avec le diocèse, au 04 50 52 37 00 

 

 
Le Messager

PÈRE MARCEL VEYRAT : « SI ON NE PREND PAS UN PEU DE DISTANCE, ON SE DIT TOUT DE SUITE : "LE DIABLE EST LÀ"... »

Père Veyrat, en deux mots, en quoi consiste votre travail d'Exorciste ?
Mon travail c'est écouter et discuter avec les personnes venant me voir, mais aussi prier s'ils le souhaitent, en prenant un psaume par exemple. Je leur dis qu'ils ne sont pas seuls dans la misère. Je ne vise pas à supprimer le mal par un rite magique, mais à mettre sur un chemin de vie et de confiance, pour que ces personnes ne restent pas bloquées dans le malheur.
Pour quelles raisons vient-on vous voir ?
Ce qui me frappe, c'est la solitude immense des gens, leur souffrance, les difficultés qu'ils ont dans leur vie de tous les jours et qu'ils ne peuvent partager avec personne. Ils se disent : "Il y a quelqu'un qui m'en veut ou m'a jeté un sort".
Concrètement, que vous disent ces gens ? Ont-ils des problèmes spécifiques ?
Les malheurs peuvent être différents : des voisins insupportables, des phénomènes qui se passent dans la tête, comme des illusions optiques, des hallucinations auditives.... Par exemple, quelqu'un m'a dit qu'il entendait les portes claquer dans sa maison, des coups de marteau.
Il m'a dit qu'il croyait sa maison hantée, qu'un esprit voulait lui faire du mal.
Des gens vous disent-ils être possédés ?
En réalité, peu de gens m'ont dit "Je suis possédé". C'est plutôt "Quelqu'un m'en veut, m'a jeté une malédiction", et on m'appelle alors pour contrecarrer cette malédiction. Mais je leur dis que je ne suis pas un contre-gourou. Il y a souvent de la peur chez eux. J'essaie, s'ils sont croyants, de les remettre dans un climat de confiance et de paix. De les libérer de leurs propres peurs, plutôt que d'une emprise quelconque.
Vous êtes éloigné de l'image traditionnelle qu'on se fait de l'Exorciste ?
Je ne fais pas de rite. Certains exorcistes sont encore sur cette position, pas moi. Mon rôle, c'est de mettre les hommes dans une attitude de paix et non dans la peur d'un ennemi sournois.
Il n'existe pas de prière spéciale ?
Si. Une grande prière est proposée par l'Eglise, c'est un rituel particulier. J'espère ne jamais être amené à la prononcer. Je préfère insister sur l'existence de Dieu plutôt que de mettre en valeur celle d'un être malfaisant.
Le terme "exorciste" est galvaudé selon vous ?
Oui, le terme est ambigu, on a des images de quelqu'un de violent, maintenu par plusieurs personnes, tandis qu'il faut hurler des prières pour faire sortir le démon... Peut-être que le côté sulfureux du mot en fait le charme et l'attrait. L'Exorciste du Vatican a écrit ses confessions, où il raconte plein d'histoires un peu extraordinaires, mais qui ne me parlent pas.
La fonction a donc évolué ?
Lors de la rencontre avec les nouveaux prêtres exorcistes, des anciens confiaient qu'il était exceptionnel qu'ils aient pratiqué la grande prière d'exorcisme. L'un m'a dit l'avoir pratiquée deux fois dont une fois, au moins, où il n'aurait pas dû.
Vous-même avez-vous été confronté à quelque chose qui vous a effrayé ?
Lors de l'une des premières fois où je rencontrais quelqu'un, j'ai été confronté à un homme d'une grande violence. Tous ses muscles étaient tendus. J'ai presque eu peur, mais j'ai su ensuite que cela relevait d'une maladie. Il avait des crises. Des exorcistes voient immédiatement le diable derrière chaque phénomène, ce n'est pas mon cas. Si on ne prend pas un peu de distance, on se dit tout de suite "le diable est là".
Avez-vous eu des demandes particulières ?
Parfois, on me demande du sel bénit, je ne refuse pas, mais je précise que ce n'est pas magique, ce n'est pas un gri-gri.
Que dit l'Eglise sur le diable ?
La Bible parle de la Bête, de Satan, mais cela peut être reçu comme une façon de désigner le mal qui nous habite, qui est en nous, pas une entité en elle-même. "La peur du mal fait souvent plus de mal que le mal lui-même", disaient les pères de l'église. Humainement, cela se comprend, la peur paralyse. Nous sommes des machines compliquées, complexes. Rejeter tous nos malheurs sur le diable, cela nous dispense de nos propres responsabilités. L'humanité a déjà assez de méchanceté en elle-même, pas besoin de faire appel à des forces de je ne sais où... 

NOMMÉ PAR L'ÉVÊQUE

Sa fonction d'exorciste, Marcel Veyrat la remplit depuis le mois de septembre 2010. C'est l'évêque du diocèse, Mgr Boivineau, qui lui a attribué cette charge un peu spéciale, qui était alors vacante. Haut-savoyard de souche, le père Veyrat était auparavant prêtre de la paroisse Notre-Dame des Hermones, à Allinges, dans le Chablais, où il a officié pendant longtemps.
Libre, mais volontaire, il avait encore l'envie, à 75 ans, de se rendre utile. Il avoue néanmoins avoir hésité avant d'accepter la proposition de Mgr  Boivineau. « J'ai réfléchi un peu à la proposition, demandé quelles étaient les conditions, et comment cela se passait. Comme j'étais disponible, j'ai finalement dit que je voulais bien assurer ce service », relate l'intéressé. Qui exerce également la charge de curé auxiliaire à Sallanches, où il est aujourd'hui domicilié.

 

source: site "le messager.fr"



02/06/2012
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