Entretien avec un pretre exorciste jésuite
Pour le jésuite lyonnais Henri Amet, la pratique de l'exorcisme doit s'entourer d'une grande prudence et impliquer la conversion de la personne « infestée » par les forces du mal
ENTRETIEN
P. Henri Amet
Jésuite
Prêtre exorciste pour le diocèse de Lyon de 1997 à 2006 (1)
LA CROIX : QUE SIGNIFIE « EXORCISER » POUR L'ÉGLISE CATHOLIQUE ?
P. Henri Amet : L'exorcisme vient d'un verbe grec qui signifie adjurer. Être exorcisé, c'est recevoir un rite officiel de l'Église. Il ne faut jamais oublier que l'exorcisme, c'est une prière, prononcée par un prêtre nommé par l'évêque. On ne fait pas acte de candidature pour être exorciste.
Le prêtre exorciste demande à Dieu de libérer la personne possédée ou infestée par le démon. C'est un rite extrêmement ancien : Jésus lui-même le pratiquait. Il se trouve aussi, dans une forme plus légère, dans la prière baptismale, quand il est demandé aux parents de renoncer aux péchés et à Satan.
L'exorcisme majeur, également appelé grand exorcisme, ne s'applique que rarement. Il concerne les personnes qui sont véritablement possédées par le diable.
PEUT-ON ENCORE PARLER DE L'EXISTENCE DU DIABLE AUJOURD'HUI ?
Je ne peux pas dire que je « crois » au diable, dans la mesure où ce verbe implique un acte de confiance. Comme l'Église, j'admets son existence. Je reprends la définition de Paul VI affirmant en 1972 que le diable est un agent ennemi et obscur, un être vivant et spirituel, perverti et pervertisseur. Jésus-Christ lui-même parlait de Satan comme du « père du mensonge » (Jn 8, 44).
Le diable n'est pas un être incarné mais il peut agir sur l'homme, non pas sur sa volonté profonde et sur sa liberté - qui demeurent entières - mais sur son imagination, sa sensibilité et son intelligence. Le diable peut aussi avoir une influence sur la collectivité, s'infiltrer dans de multiples domaines mais pas de façon forcément spectaculaire. Il ne suffit pas qu'un homme hurle pour qu'il soit possédé par le démon.
COMMENT FAIRE LA DISTINCTION ENTRE SOUFFRANCE PSYCHOLOGIQUE ET POSSESSION ?
Il faut avoir assez de sagesse spirituelle et de discernement pour distinguer entre ce qui relève de la psychiatrie et ce qui ressort du spirituel. C'est une influence obscure parfois difficile à cerner. Souvent, la dimension spirituelle et les manifestations de maladie mentale, comme la schizophrénie, sont extrêmement liées.
QUE SIGNIFIE ÊTRE POSSÉDÉ ?
Aujourd'hui, on emploie davantage les termes d'« infestation » ou d'« emprise démoniaque ». Ils renvoient à une influence caractérisée desforces du mal qui suppose une forme de complicité : certaines personnes passent un pacte avec le diable ; d'autres ont des comportements qui ouvrent une porte à cette emprise : ésotérisme, alcool, drogue. Dans ces cas-là, l'exorcisme est utile.
Les critères d'infestation sont la force herculéenne, l'emploi de langues étrangères inconnues, la prédiction de l'avenir. S'y ajoute désormais un critère déterminant qui est l'aversion vis-à-vis de Dieu et de la Vierge Marie. Certaines personnes ne veulent plus entrer dans une église, refusent de prier ou se livrent au blasphème.
COMMENT CHASSER CES FORCES DU MAL QUE VOUS ÉVOQUEZ ?
D'abord par la prière. Lorsqu'il m'arrive encore de faire des exorcismes, avec l'accord du cardinal Barbarin, je commence toujours par la litanie des saints. Il me semble important d'associer, dans un moment de solennité et de solidarité, toute l'histoire de l'Église à cette prière pour un individu.
La personne « possédée » doit aussi jouer un rôle actif dans la conver sion de son comportement, à travers l'exercice de la prière et de la charité, sinon l'exorcisme relève de la magie.
QUELLES SONT LES PRÉCAUTIONS DONT UN PRÊTRE EXORCISTE DOIT S'ENTOURER ?
D'abord, bien affirmer son lien avec l'Église. Nommé par l'évêque, le prêtre exorciste est en rapport permanent avec l'institution. Il y a de nombreuses réunions entre prêtres exorcistes, des rapports d'activité remis à l'évêque. Certains guérisseurs s'intitulent exorcistes, alors qu'ils n'ont aucun mandat officiel.
Autre point important, la prudence. Un prêtre exorciste prend conseil régulièrement auprès de psychiatres, il s'entoure de garanties pour ne pas pratiquer de façon désordonnée. De même, il ne fait pas d'exorcismes de manière spectaculaire en invitant du public… Il doit être discret et réservé.
Recueilli par Bruno BOUVET
(1) Auteur de Faut-il avoir peur du diable ? (Nouvelle Cité, 2009, 120 p., 15 euros).
source: site "lacroix.com"
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