EXORCISMES ET POSSESSIONS

Texte du Père Gaspard Martin, eudiste

Dans la prière que Jésus nous a enseignée, nous demandons à Notre Père de nous délivrer du Mal. Le catéchisme de l'Église catholique, au numéro 2851, rappelle qu'ici le Mal n'est pas une abstraction, mais qu'il désigne une personne, Satan, le Mauvais, l'ange qui s'oppose à Dieu. Le diable est celui qui "se jette en travers" du dessein de Dieu et de son oeuvre de salut accomplie dans le Christ.

Toute la Bible, à part la première page où il est dit que toute la création vient de Dieu et est intrinsèquement bonne, roule sur la délivrance du mal. L'homme a péché. Il est devenu pécheur, à l'instigation du Malin, symbolisé par le serpent (cf. Gn 3). La Bible raconte l'histoire des relations de Dieu et de l'homme, des promesses de Dieu et du salut apporté en Jésus-Christ.

Il ne faut pas voir le diable partout. Mais là où il y a du mal, il est là, caché derrière l'homme qu'il pousse à s'affranchir de toute limite et à se faire lui-même dieu.

Satan a été vaincu par le Christ, mais il n'est pas encore totalement vaincu en nous. C'est pourquoi notre vie est un combat. Saint Paul pourra écrire aux chrétiens d'Éphèse: "Revêtez l'armure de Dieu pour pouvoir résister aux manoeuvres du diable. Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les Esprits du mal qui habitent les espaces célestes. C'est pour cela qu'il vous faut endosser l'armure de Dieu, afin qu'au jour mauvais, vous puissiez résister, et après avoir tout mis en oeuvre, rester fermes" (Ep 6,11-13).

AUJOURD'HUI CHEZ-NOUS

C'est un fait qu'aujourd'hui, dans nos milieux où la foi chrétienne et la pratique religieuse accusent un déficit certain et où les gens ne semblent pas avoir le goût de combattre, nous voyons apparaître des phénomènes nouveaux: des maîtres surgissent et tentent d'apprêter à la sauce occidentale des philosophies orientales, des médecines douces et parallèles sont proposées, le Nouvel Âge fait vivre des expériences nouvelles étrangères à notre civilisation, des sectes propagent de nouvelles façons de voir la vie et d'expliquer le monde, de nouveaux développements se pratiquent du côté de l'ésotérisme et de l'occultisme, de la divination et de la magie... Et par suite d'expériences souvent traumatisantes, des personnes sont troublées dans leur psychisme et cherchent solution à leurs problèmes. Une question se pose: le Malin n'aurait-il pas quelque chose à voir dans ces troubles qui se manifestent aujourd'hui au grand jour?

La science médicale a identifié des troubles de comportement et des symptômes relevant de maladies, surtout psychiques. La prudence et le discernement deviennent nécessaires pour ne pas confondre une situation de maladie et une présence du Malin. Il ne faut pas faire du diable le bouc émissaire de nos erreurs et de la présence de la maladie. Mais, il faut le reconnaître, le diable n'a jamais perdu ses qualités de séducteur et d'ennemi de Dieu et de son plan de salut pour l'homme.

LES INFLUENCES DIABOLIQUES

Tout être est soumis à la tentation, que nous connaissons. En plus de la tentation, d'autres influences mauvaises peuvent atteindre l'homme. On a l'habitude de classer les influences diaboliques en trois catégories: l'oppression, l'obsession et la possession.

L'oppression est l'action de Satan sur les corps et les choses. Exemples: des bruits dans la nuit, des choses qui bougent, des lumières qui s'éteignent, des voix qui se font entendre, des maladies bizarres qui n'ont pas d'explication médicale, le Curé d'Ars, Marthe Robin et bien des saints et saintes ont subi des oppressions diaboliques.

Quand l'oppression s'exerce sur les choses ou les animaux, on peut parler d'infestation.

Il y a ensuite l'obsession, qui est une influence de l'Ennemi sur l'esprit des personnes. L'oppression se manifeste sur le plan extérieur ou matériel, alors que l'obsession se manifeste à l'intérieur.

À l'encontre de la tentation qui est passagère, l'obsession est permanente. Elle est tenace et difficile à vaincre; elle rend esclave et ôte les forces qui rendent victorieux. À titre d'exemples, on peut noter les obsessions de suicide, les obsessions sexuelles, les obsessions de blasphème, de rancune, de scrupule, d'autodestruction...

Dans l'obsession, il ne faut pas rendre Satan le seul responsable. L'obsession a souvent comme origine des mauvaises habitudes, des imprudences ou "portes ouvertes" par lesquelles le diable ne manquera pas de s'infiltrer. L'endurcissement du coeur par le péché ouvre la porte au Malin. L'évangéliste Jean raconte qu'à la Cène, après que Judas eut pris la bouchée offerte, Satan entra en lui (cf. Jn 13,27).

Le diable connaît les points faibles de chacun, de chacune. Parmi les failles par lesquelles il peut s'introduire, mentionnons les diverses manifestations de la parapsychologie, les sciences occultes, les pratiques ésotériques, des jeux comme la table tournante et même "Donjons et Dragons", la fréquentation des milieux spirites, la pratique de différentes mancies (chiromancies, astrologie, etc).

Il y a enfin la possession diabolique. C'est l'influence de l'Ennemi sur la volonté, qui lui est soumise. La possession n'existe que dans le cas de personnes qui ont fait un pacte avec Satan, comme font certains sorciers et les membres de sectes sataniques pour obtenir du pouvoir, de l'argent, des postes importants...

Seule la personne qui s'est consacrée à Satan peut être possédée par lui. Car Dieu nous a donné la liberté et personne de peut nous l'enlever. Une exception cependant! La possession diabolique peut exister, paraît-il, dans le cas de certaines personnes qui ont été consacrées à Satan par leur père ou leur mère dès leur enfance.

L'EXORCISME

Les personnes qui subissent de fortes influences de Satan sont des pauvres auxquels l'Église accorde une attention spéciale. D'ailleurs l'expulsion des démons et la libération des opprimés font partie de l'évangélisation. Jésus a chassé les démons et a donné à ses disciples, à son Église, le pouvoir de continuer son oeuvre de libération.

La possession diabolique est rare, reconnaissons-le. Aussi, dans le Code de Droit canonique, l'Église, qui n'oublie personne, écrit ce qui suit: 

"Personne ne peut légitimement prononcer des exorcismes sur les possédés à moins d'avoir obtenu de l'Ordinaire du lieu une permission particulière et expresse" (# 1172).

C'est au prêtre désigné par l'évêque qu'il appartient de pratiquer l'exorcisme. Mais il y a plusieurs formes d'exorcisme, comme il y a plusieurs formes d'influence démoniaque.

Le catéchisme de l'Église catholique, au paragraphe 1673, écrit: 

"Quand l'Église demande publiquement et avec autorité, au nom de Jésus Christ, qu'une personne ou un objet soit protégé contre l'emprise du Malin et soustrait à son empire, on parle d'exorcisme." Jésus l'a pratiqué, c'est de lui que l'Église tient le pouvoir et la charge d'exorciser (cf. Mc 3,15; 6,7.13; 16,17). Sous une forme simple, l'exorcisme est pratiqué lors de la célébration du Baptême. L'exorcisme solennel, appelé "grand exorcisme", ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l'évêque. Il faut y procéder avec prudence, en observant strictement les règles établies par l'Église. L'exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l'emprise démoniaque et cela par l'autorité spirituelle que Jésus a confiée à son Église. Très différent est le cas de maladies, surtout psychiques, dont le soin relève de la science médicale. Il est important de s'assurer, avant de célébrer l'exorcisme, qu'il s'agit d'une présence du Malin et non pas d'une maladie."

Le but visé par l'exorcisme, selon le Catéchisme, est donc double: expulser les démons et libérer de l'emprise démoniaque.

L'exorcisme, le grand exorcisme comme on dit aujourd'hui, célébré sur les possédés pour expulser les démons, ne peut être pratiqué que par un prêtre délégué à cet office par son évêque; ce qui n'exclut pas la possibilité bien entendu de pratiquer ce qu'on appelle le petit exorcisme.

Tout prêtre, en communion avec l'Église, peut pratiquer discrètement le petit exorcisme qu'on appelle encore le ministère de délivrance, pour libérer de l'emprise démoniaque les personnes victimes d'oppression ou d'obsession.

LE MINISTÈRE DE DÉLIVRANCE

Selon l'interprétation qui a la faveur aujourd'hui, en effet, il semble que tout prêtre soit habilité par son sacerdoce ministériel à libérer de l'emprise démoniaque. Qu'on pense au petit exorcisme de Léon XIII (1886) et à la prière adressée à saint Michel Archange que le prêtre récitait à la fin de la messe! Qu'on pense encore au rituel du baptême d'avant 1970 où le prêtre pratiquait trois exorcismes sur l'enfant. On parle ici bien entendu de petit exorcisme ou de ministère de délivrance.

Une lettre, émanant de la Congrégation pour la doctrine de la foi, semble apporter un peu de lumière sur le sujet qui nous intéresse.

En septembre 1985 en effet, une lettre de ladite Congrégation donnait quelques normes à suivre; les voici en quatre énoncés:

- Personne ne peut légitimement prononcer des exorcismes sur les possédés s'il n'a pas obtenu de l'Ordinaire du lieu une permission particulière et expresse. (Il s'agit bien d'exorcismes sur des possédés, non pas de prière de délivrance sur les personnes opprimées ou obsédées. G.M.).

- Dans les groupes de prière, les fidèles laïcs ne sont pas autorisés à employer la formule contre Satan et les anges déchus, publiée par mandat du pape Léon XIII.

- Quand il ne s'agit pas de véritable possession diabolique, ceux qui n'en ont pas le pouvoir ne doivent pas faire usage de prières où l'on interpelle directement les démons pour délivrer ceux qui subissent une certaine influence diabolique.

- Les pasteurs doivent rappeler aux fidèles ce qu'enseigne la tradition de l'Église en ce qui concerne la fonction propre des sacrements et de l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie, des anges et des saints, dans le combat spirituel des chrétiens contre les esprits mauvais.

CONCLUSION

Le problème de l'exorcisme et de la délivrance se pose aujourd'hui avec une acuité nouvelle. Fidèle à sa mission, l'Église entend bien s'acquitter de ses devoirs. Elle demande de croire au Christ et elle n'ignore pas que l'expulsion des démons se fait dans le cadre de l'évangélisation (cf. Mc 16, 17).

Guidée par l'Esprit Saint et son expérience séculaire, l'Église édicte certaines normes de sagesse pour le bien des fidèles et l'édification du Royaume.

Un prêtre doit être désigné par l'Ordinaire pour procéder à un exorcisme en vue d'expulser le diable de personnes possédées. Pour l'exercice du ministère de délivrance, où il s'agit, non pas de possession mais d'oppression ou d'obsession diabolique, le prêtre ne semble pas avoir besoin d'une autorisation spéciale. Cependant, il doit toujours procéder avec sagesse et discernement, dans la foi et la prière. Il n'est pas interdit de solliciter l'aide spirituelle des laïcs.

Dans le but d'aider les prêtres dans l'exercice délicat de ce ministère de délivrance, je termine en proposant un exemple de prière de délivrance fréquemment utilisée dans les groupes du Renouveau charismatique:

"Au nom de Jésus-Christ, notre Sauveur et Seigneur, avec l'intercession de l'Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, de saint Michel archange, des Saints apôtres Pierre et Paul et de tous les saints; (et appuyé sur mon ministère sacerdotal), je te délivre de quelque emprise que ce soit d'esprits mauvais déjà jugés et condamnés par Jésus. Par la puissance du Nom de Jésus, que soient complètement anéanties en toi toutes suites d'expériences possibles dans le spiritisme ou l'occultisme et que soit annulée, par la puissance de l'amour de Jésus, toute puissance étrangère d'envoûtement, de conjuration magique, de domination occulte, de malédiction ou de mauvais sorts. Que tout esprit qui voudrait mettre entrave à l'action de salut de Jésus soit soumis à son pouvoir, pour qu'il en dispose selon son jugement. Que tout lien occulte existant entre notre frère (notre soeur) ...... et X ...... (nom de l'envoûteur ou des maîtres occultes) soit coupé et rompu pour toujours au Nom de Jésus-Christ Libérateur, par la puissance de son Esprit Saint. Que l'Esprit Saint vienne établir en toi la Seigneurie de Jésus et fasse germer en toi les fruits de paix, de joie et d'amour. Au Nom de Jésus-Christ notre Seigneur. Amen."

NOTE D'AUTEUR

Le père Gaspard Martin est membre de la Congrégation des Eudistes. Il a été répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de Québec de 1990 à 1996. Il est actuellement aumônier à la Maison provinciale des religieuses de la Charité de Saint-Louis à Lévis.

source: site "selonsaparole.tripod.com"