Lorsque l'on rencontre l'exorciste du diocèse, on est bien loin de l'image caricaturale véhiculée par certains films : le Père Jean - de son prénom - ne se balade pas avec un kit "spécial exorciste" contenant crucifix et eau bénite.
Non, le Père Jean est un petit homme jovial qui n'a aucun pouvoir magique mais qui possède un véritable don d'écoute.
Nombre de films et d'émissions télévisées déforment le terme d'exorcisme en l'associant à un rite farfelu d'un prêtre marginal et fou, avec gestes et mises en scène insolites. Il existe ainsi un immense décalage entre les demandes d'exorcisme d'une population aux idées toutes faites, et les "soins" effectivement offerts par les prêtres exorcistes. La première tâche du Père Jean, exorciste du diocèse de Chambéry depuis 2006, est donc souvent de rectifier les préjugés.
Une demande en hausse Dans le diocèse de Chambéry, comme partout ailleurs, les demandes d'exorcisme se multiplient depuis le début des années 90. Aujourd'hui, leur nombre se stabilise à 60 par an, alors qu'on en comptait 20 au début des années 90.
Les consultants constituent un échantillonnage très représentatif de la société. Ils sont de tous âges (de l'enfant accompagné de ses parents, à la grand-mère...) ; de toutes professions (des personnes sans emploi, mais aussi des ingénieurs, des professeurs) ; de toutes nationalités (avec une part importante d'Africains) ; enfin, de toutes religions (catholiques, protestants, musulmans, bouddhistes et athées.) Dans la majorité des cas, ce n'est pas un exorcisme que l'on demande au prêtre, mais un désenvoûtement. Un nombre considérable de personnes le consulte parce qu'elles ont le sentiment d'être envoûtées par quelqu'un qui leur veut du mal. C'est pour elles la seule explication à la série de malheurs qui s'est abattue sur leur vie. Elles identifient alors ce malfaisant à un sorcier, en lien direct avec les puissances mauvaises, ou à une malédiction. Ces personnes s'adressent souvent en dernière instance à un exorciste, après avoir consulté en vain plusieurs guérisseurs et autres désensorceleurs.
De même, nombreux sont ceux qui demandent à l'exorciste de venir désenvoûter leur maison ou parfois même leurs animaux comme ce fut le cas d'un agriculteur persuadé qu'on avait jeté un sort à ses vaches. Certains entendent chez eux des bruits bizarres de craquements ou de vaisselle ; d'autres ressentent une présence dans certaines pièces ou se croient persécutés par des démons, comme ce fut le cas de ces parents, persuadés que leur fils de 12 ans avait fait une chute en ski après avoir été poussé par Satan.
Selon le Père Jean, toutes ces personnes ont en commun une grande souffrance. Pour la majorité d'entre elles, les cas de troubles psychiques sont également fréquents.
Un travail d'équipe Longtemps, les exorcistes diocésains ont travaillé seuls. Mais face à une "clientèle" de plus en plus envahissante, les prêtres ont eu besoin de la collaboration et du discernement d'autres membres de la communauté catholique. Ainsi, pour accompagner l'exorciste de Chambéry, une équipe a été mise en place en 1999.
Aujourd'hui, le Père Jean est entouré de trois personnes : Sylvie, une religieuse dominicaine qui a commencé il y a 12 ans aux côtés de l'ancien exorciste de Chambéry ; Aimé, qui a été président d'une association caritative de Savoie, lui aussi présent depuis le début au sein de l'équipe ; et enfin, Henri, arrivé en 2007, accompagnateur spirituel ignacien.
Le Père Jean et son équipe ont à leur disposition une salle à la maison diocésaine de Chambéry pour recevoir les consultants.
Toutes les demandes sont dans un premier temps réceptionnées au téléphone par l'accueil de la maison. Puis les noms et numéros de téléphone des personnes sont communiqués à un membre de l'équipe qui se charge ensuite de les rappeler. Un rendez-vous est alors conclu. Si la personne insiste pour voir le prêtre exorciste ou si l'équipe juge sa présence nécessaire, un autre rendez-vous est ensuite pris avec le Père Jean.
Un ministère d'écoute Compte tenu de l'état de détresse des consultants, il est important, selon l'équipe, qu'ils se sentent bien accueillis. Envahis par la peur, ils sont tentés d'accuser l'autre, les autres, voire le Malin, d'envoûtement ou de possession.
L'angoisse ne peut disparaître que sous la force de la parole. Souvent la simple confession devant une personne qui est censée avoir le pouvoir de guérir, provoque un soulagement. L'exorciste laisse du temps au consultant et l'écoute attentivement.
La plupart des personnes ont la hantise d'être perçues comme folles ou complètement ridicules. Les prêtres doivent donc prendre au sérieux toutes les confidences recueillies. De reconnaître la réalité de leurs souffrances et leur besoin d'être aidées représente déjà une libération, une vraie délivrance pour ces personnes.
L'exorciste va ensuite pouvoir amorcer un dialogue en prenant soin d'adapter ses paroles en fonction de ce que son interlocuteur sera en mesure d'entendre.
Il doit rassurer, apaiser, donner des repères. Enfin, il est essentiel pour les exorcistes d'entreprendre un travail d'évangélisation. Le message évangélique est en effet avant tout l'annonce d'une Bonne Nouvelle : celle de la victoire absolue et irréversible de Dieu sur la peur, la haine ou la mort représentée par Satan.

JUSTINE LOUIS

L'Essor Savoyard