ENTRETIEN | Cette semaine, les 120 exorcistes de France sont réunis à Lyon, pour échanger leurs expériences. On le sait peu, mais l'Eglise catholique dispose aujourd'hui d'un exorciste par diocèse. La rédaction de France Bleu La Rochelle en a rencontré un, celui des deux Charentes.
Les prêtres exorcistes sont de plus en plus sollicités © MaxPPP/Anthony Picore
Certains diocèses en ont plus, ceux d'Angoulême, La Rochelle et de Saintes se partagent un même prêtre exorciste. Partout en France, les demandes sont de plus en plus nombreuses. Selon le journal Le Monde, il y a trente ans, on comptait une trentaine d'exorcistes mandatés par l'Eglise. Aujourd'hui, ils sont plus de 120 à travers le pays.
Et aujourd'hui, l'exorcisme est bien loin de l'image véhiculée par les premiers films d'horreur des années 70, et notamment par le filmL'exorciste, sorti en 1973. Pas de démonstrations spectaculaires du Démon, de Lucifer ou du Malin. "Cela va faire neuf ans que je suis prêtre exorciste", explique celui des deux Charentes qui a souhaité gardé l'anonymat, "et je n'ai jamais vu ce genre de phénomène."
L'Exorciste liaw
"L'exorcisme, explique le prêtre, c'est d'abord un dialogue et de la prière, qui permettent aux personnes de comprendre ce qu'elles vivent et de trouver l'énergie pour pouvoir vivre tous les événements de leur vie qui les traumatisent." Et chez tous ceux qui frappent à la porte du service d'écoute et d'exorcisme du diocèse d'Angoulême, "il y a de la souffrance". "Il y a tout le folklore, qui pour moi n'est pas l'essentiel", poursuit le prêtre. "L'essentiel, c'est vraiment que les gens vivent des souffrances, et qu'ils cherchent un sens. C'est le sens de ce que l'on vit qui est en question."
Tendance "mystique" et "psychologique"
Aujourd'hui, deux courants s'affrontent au sein de l'Eglise catholique expliquait il y a quelques temps l'hebdomadaire catholique La Vie : "la tendance 'mystique', qui croit à l'activité de Satan, et la tendance 'psychologique', qui la relativise". Ce dernier courant est largement majoritaire en France.
"Le Diable, c'est celui qui va essayer de vous désespérer, de vous faire peur, de vous angoisser", estime le prêtre exorciste des deux Charentes. "Moi je ne crois pas au Diable, je crois en Dieu. Mais le Diable, c'est toutes ces forces qui essaient de nous plonger dans le désespoir. Et on n'est pas fait pour le désespoir."
L'exorciste de nos Charentes est un prêtre, qui souhaite garder l'anonymat. Il répond aux questions de Pierre Marsat
L'exorcisme est une "activité" très sérieuse de l'église catholique, et très encadrée. Les prêtres exorcistes mandatés sont par exemple inscrits aux Ordos diocésains (annuaires ecclésiastiques qui peuvent être consultés auprès des paroisses ou des évêchés). Il existe aussi une sorte de "guide pratique de l'exorcisme" dans lequel une liste de symptômes sont énumérés pour déterminer si la personne est possédée. Revisité par Jean-Paul II en 1998, Des exorcismes et des prières qui s'y rapportentliste tout une série de signes : "parler ou comprendre des langues inconnues, découvrir des choses éloignées ou cachées, démontrer une force physique supérieure à la normale, l'aversion véhémente envers Dieu, la Vierge, les saints, la parole de Dieu, les images sacrées", etc.
Le Diable "s'adapte"
Mais ces symptômes sont liés à notre époque, relativise le prêtre exorciste des deux Charentes. "Le Diable est souvent représenté sous la forme de serpent. Donc, il s'adapte. Et dans des cultures anciennes, un peu magiques, (...) on va avoir des symptômes magiques. Or en Occident, nous ne sommes plus dans une culture 'magique'." Aujourd'hui, estime le prêtre, "le diable est beaucoup plus discret et se manifeste plutôt dans des pressions psychologiques, dans des angoisses très fortes".
Et dans le contexte économique difficile de notre société, les demandes explosent. "Plus les gens vivent des situations de désespoir - pas de travail, des problèmes affectifs qui peuvent s'en suivre, des maladies qui peuvent se déclencher - plus les gens sont en recherche de sens. Et quand on est dans la souffrance, on essaie de trouver pourquoi, (...) et donc bien entendu, dans une société malade, avec des grandes fragilités, je crois que cela augmente le nombre d'appels que nous avons."
Isolement
Et avant d'en arriver à la séance d'exorcisme où le prêtre formule des prières de délivrance ou asperge le possédé d'eau bénite, le prêtre écoute. "Je crois que les gens ont un très grand besoin d'être écouté. Donc déjà, de sentir qu'on est plus seul, qu'on a pu exprimer qu'on arrive plus à vivre, qu'on arrive plus à porter telle maladie, telle épreuve (...). Les gens souffrent avant tout d'un sentiment d'isolement devant les épreuves qu'ils vivent."
source: www.francebleu.fr