EXORCISMES ET POSSESSIONS

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Pères Amorth et Fontelle : deux exorcistes face au diable

Pères Amorth et Fontelle : deux exorcistes face au diable

  • famillechretienne.fr
  • 30/11/2010
  • Par Benjamin Cost
 

« Plus on connaît le Malin, moins on en a peur », soutient avec flegme le plus connu des exorcistes, l’Italien Gabriele Amorth. Ses récentes Confessions, devenues un best-seller, ont parfois suscité le trouble et la suspicion. Nous l’avons rencontré, puis avons confronté ses propos avec l’expérience d’un autre exorciste, le Père Marc-Antoine Fontelle, auteur de Comprendre et accueillir l’exorcisme.

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© Benjamin Coster

À la veille d’une intervention chirurgicale, l’homme semble fatigué et s’exprime la plupart du temps les yeux fixés au linoléum de la petite pièce. Rien à voir avec le Terminator  brandissant un crucifix, photographié en contre-plongée sur la couverture de ses Confessions, parues récemment en France. Don Gabriele Amorth est un petit homme à la peau pâle, fine et parcheminée, qui se révèle blagueur entre deux coups de pompe. L’exorciste le plus célèbre du monde loge dans une chambre modeste, au sein de l’infirmerie de l’imposante maison de la Société San Paolo, sa congrégation, à l’ouest de Rome. Le journaliste italien Marco Tossati, qui a recueilli les propos du prêtre, assure la traduction de notre entretien. Un proche du prêtre, avant un voyage au loin, lui demande sa bénédiction. Puis, durant une heure, le fondateur de l’association internationale des exorcistes délivre une nouvelle fois son « credo » sur le diable, peste contre l’abandon de l’exorcisme dans l’Église et tire à boulet rouge contre le nouveau rituel jugé inefficace.

Devant la gêne suscitée par certaines descriptions effrayantes relatées dans son livre testament (lire notre encadré), le prêtre italien explique « ne pas avoir voulu faire du sensationnel, mais simplement dire la vérité sur la pratique de l’exorcisme. Et la manière la plus simple et la plus efficace pour moi était de relater les faits. » Après un quart de siècle, il dit s’être habitué aux manifestations diaboliques. « Plus on connaît le Malin, moins on en a peur » ajoute le vieil homme qui explique le peu d’affinité de ses jeunes confrères pour ce ministère par une crainte injustifiée du diable.

Tout n’est pas bon à dire

Le Père Marc-Antoine Fontelle, 43 ans, vice-official à l’évêché de Saint-Denis de la Réunion et auteur de Comprendre et accueillir l’exorcisme, – rencontré lui à Paris – le confirme. Et ajoute : « Nous devons nous souvenir que, par sa croix, le Christ nous a obtenu la victoire. Si vous partez au combat en sachant que, quoi qu’il arrive, vous allez vaincre, cela change tout ». Les impressionnantes « diableries » décrites par le Père Amorth, le Père Fontelle y a été confronté. Comme cette femme, sur la main de laquelle il s’était assis durant un exorcisme pour la contenir. «D’un coup, elle m’a fait voler à travers la pièce. » Le Père Fontelle évoque aussi des galets recrachés – variante des clous et des bouts de métal décrits par le Père Amorth. « Ils ont été conservés comme preuve de la capacité d’agir du démon. »

Pour autant, le prêtre français explique que « le diable aime agir sournoisement. Il ne faut pas oublier que son but est de couper les âmes de Dieu ; pas de faire tourner les tables ! » Formé par le Père Chesseneau (avec qui Don Amorth a fondé l’association des exorcistes), le Père Fontelle parle de l’exorciste italien avec admiration. Néanmoins, il estime qu’il a été pris au piège du mode journalistique. « Pour moi, cet ouvrage n’est pas un livre grand public. Je crains qu’il ne discrédite le message du Père Amorth. J’étais plus à l’aise avec ses précédents travaux. »

Le prêtre réunionnais pense que tout n’est pas à dire. « Laisser penser que des phénomènes rares sont le lot quotidien des exorcistes n’est, à mon sens, pas une bonne chose. Il serait plus profitable de s’arrêter sur l’action ordinaire du démon qui fait que nos églises sont vides, que l’individualisme gagne du terrain, que l’avortement est considéré comme une "solution" même par des chrétiens. Sans parler de tous ces mariages qui se défont… »

L’arme de la vie chrétienne

La succession des cas décrits par le Père Amorth dans ses Confessions, la diversité des profils peuvent créer le trouble : le démon peut-il s’attaquer à n’importe qui, sommes-nous tous susceptibles d’être victime de possession ou d’une « infestation » (voir notre lexique en encadré) ? Don Amorth estime qu’il suffit « de prier, aimer et pardonner » pour tenir à distance le démon ; le Père Marc-Antoine Fontelle abonde en ce sens – « Il n’y a rien d’automatique » rassure-t-il, rappelant que, sans le pardon, la haine est toujours présente, ouvrant ainsi la porte au Malin. Il va plus loin : « Avant de procéder à un exorcisme, la personne doit engager toute sa volonté pour mener une vraie vie chrétienne. Je me souviens du Père Chesseneau renvoyant une femme qui avait déjà subi plusieurs exorcismes. Il lui a dit qu’il ne la reverrait pas tant qu’elle ne se serait pas décidée à lutter efficacement contre son orgueil. »

Des saints victimes de « possessions » !

Pour autant, rien n’est scientifiquement démontrable dans l’action du démon, comme dans les moyens de s’en protéger. « Certaines personnes pratiquent le satanisme pendant des années et après une "bonne" conversion, c’est terminé ; ils n’en gardent aucune séquelle, assure Don Amorth. D’autres vont être embêtés après avoir passé une heure dans un concert gothique. On ne maîtrise pas tout… » À l’opposé, « certains saints ont été possédés ou du moins infestés ou victimes de vexations. Je pense au Padre Pio et au saint curé d’Ars qui se faisait fouetter par le démon ou encore jeter de leur lit. Je pense également à la bienheureuse Marie de Jésus, cette religieuse arabe, qui a également souffert de possessions. Cela n’a pas empêché Jean-Paul II de la béatifier en 1983. Enfin, saint Jean Chrysostome parlait du diable comme du "sanctificateur des âmes". Car Dieu utilise tout, même le diable, pour sanctifier les âmes. » Un avis partagé par le Père Fontelle : « Mystérieusement, notre Seigneur permet parfois qu’un homme ou une femme ait maille à partir avec le démon de façon incorrecte. Cela nous renvoie à l’histoire de Job qui durant des années va être affligé d’une kyrielle de maux avant d’être relevé par Dieu. Pour ces personnes, qui s’unissent à la passion du Christ, il s’agit d’un combat spécifique, presque d’une vocation. Elles vont puiser dans l’exorcisme des forces pour retourner sur le champ de bataille. »

La solution psychologique a aussi sa place

Est-ce à dire qu’un exorcisme peut-être inefficace ? Le Père Amorth le reconnaît, « je vois des personnes depuis des années et elles ne sont toujours pas délivrées ». « La question est complexe ; chaque cas est unique et l’exorcisme n’est pas toujours la solution » ajoute le Père Fontelle. À la différence du Père Amorth, il ne se positionne pas sur l’inefficacité supposée ou réelle du nouveau rituel d’exorcisme. « Nous ne sommes pas en train de réciter des formules magiques. Quand une personne vient me rencontrer, je dois comprendre la racine de ses problèmes. Si elle est victime d’un sort, ma prière va consister à demander la rupture de ce lien. » Pour cela, le Père Fontelle se donne une certaine liberté. « Parfois, la récitation des prières du rituel ne va rien donner ; invoquer les saints ou prier Notre-Dame de délivrance se révélera plus utile. » L’exorciste français s’élève à ce sujet contre une certaine théâtralité de la pratique de l’exorcisme. Pour lui, pas besoin de menacer les démons d’un crucifix ou de les sommer de se retirer en criant. « Pour ma part, lorsque je pratique un exorcisme ou une prière de délivrance, je me mets dans un coin de la pièce, loin de la personne, et je récite à voix basse mes prières. Ses réactions me donnent une indication sur la nature du problème qu’elle rencontre : véritable possession ou simple problème psychologique. »

Prudence !

Que pensent alors ces deux « professionnels » des prières de libération pratiquées notamment lors de certains rassemblements charismatiques ? « Le Seigneur a donné ce pouvoir à chaque baptisé, note le Père Amorth en s’appuyant sur le chapitre XVI de l’Évangile de Marc. Pour ceci, il faut que le baptisé ait une grande foi, soit un homme de prière et qu’il fasse preuve de beaucoup d’humilité. En relisant la vie des saints, on constate que certains chassaient les démons sans pour autant être prêtre. Je pense à saint François d’Assise, à saint Benoît ou encore à sainte Catherine de Sienne. » De son côté, Marc-Antoine Fontelle appelle à une « extrême prudence » en la matière, rappelant au passage une lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 29 septembre 1985 interdisant aux laïcs de réciter cet exorcisme sur d’autres personnes dans des groupes de prière. Et de conclure : « N’oublions pas que toutes les tentations dont nous pouvons être l’objet ont été vaincues par le Christ au désert quand lui-même a été tenté par Satan. »

Benjamin Coste

 

Lexique des maléfices et autres sataneries

 

-    Les vexations sont des dérangements causés par le diable ou ses démons sans qu’ils soient présents dans la personne. On peut nommer des problèmes physiques comme des maux de tête ou d’estomac qui sont les plus fréquents.

 

-    Les obsessions sont des pensées négatives, un pessimisme qui porte au désespoir, parfois même au suicide. Le Père Amorth souligne que, lorsqu’une personne est suivie dans le cadre d’un exorcisme, elle ne passe pas à l’acte.

 

-    Les infestations, elles, touchent des maisons : portes qui claquent sans raison, bruits anormaux, appareils électroménagers qui ne fonctionnent plus puis se remettent à marcher sans raison.

 

-    On parle enfin de possessions, lorsque des démons ou plus rarement le Malin lui-même, investissent le corps d’un être humain (jamais son âme) et s’en servent pour parler, agir ou faire montre d’une force extraordinaire. Il s’agit des cas les plus rares.

 

B. C.



27/01/2012
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