|
|
L'action victorieuse de Jésus…
Dès le début de son ministère, à Capharnaüm, Jésus chasse les démons : « Il y avait, dans leur synagogue, un homme possédé d'un Esprit impur, il criait en disant : – Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth, es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es… Alors Jésus le menaça en disant : – Tais-toi et sors de lui. Et le secouant violemment, l'Esprit impur cria d'une voix forte et sortit de lui. » [Marc & Luc]
L'épileptique démoniaque…
Le deuxième cas polarise toutes les discussions réductrices de l'exorcisme. C'est celui d'un enfant épileptique amené à Jésus par un père aux abois… Après la transfiguration, Jésus descend de la montagne avec Pierre Jacques et Jean et retrouve les neuf autres disciples avec des scribes et… « une foule nombreuse ». « Il les questionna : – De quoi discutez-vous ? Et quelqu'un dans la foule cria : – Maître, je t'ai amené mon fils qui a un Esprit muet ; et quand il le saisit, il le jette par terre ; il écume, grince des dents et devient raide, et j'ai dit à tes disciples de le chasser, et ils n'en ont pas eu la force. Prenant la parole, Jésus leur dit – Ô engeance incrédule, jusques à quand serai-je près de vous ? Jusques à quand vous supporterai-je ?… Amenez-le moi. Et ils lui amenèrent. En le voyant, l'Esprit aussitôt, le secoua et, tombé par terre, il se roulait en écumant. Jésus questionna le père : – Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? Il répondit : – Depuis son enfance. Et souvent ; il l'a jeté dans le feu et dans l'eau afin de le perdre. Mais si tu peux, aide-nous, aie pitié de nous ! Jésus lui dit : – Si tu peux ? Tout est possible à celui qui croit ! Aussitôt, le père de l'enfant s'écrie : – Je crois, mais aide mon manque de foi… Alors Jésus, voyant la foule s'amasser, commanda à l'Esprit impur : – Esprit muet et sourd, je te l'ordonne : sors de lui et n'y entre plus ! Et criant et le secouant, l'Esprit impur sortit. L'enfant devint comme mort, et beaucoup disaient : – Il est mort !… Mais Jésus prit la main, le redressa, et il se leva. Et comme il entre dans une maison, ses disciples le questionnent, à part : – Pourquoi n'avons-nous pas pu le chasser ? Il leur dit : – Cette espèce ne peut sortir que par la prière… [Marc] et le jeûne… [ajoute Matthieu]
C'est de là que sont parties toutes tentatives pour réduire les exorcismes de Jésus à des guérisons : – « Il s'agit d'une crise d'épilepsie, » dit-on ; « Jésus ou ses disciples l'ont prise pour une possession démoniaque !… » Ces coïncidences prouvent-elles que l'Evangile confond possession et maladie, exorcisme et guérison ? Non à bien des titres… – Les réactions de l'enfant devant le Christ répondent aux caractères spécifiques de la possession… – Les cris et secousses qui surviennent alors ne relèvent pas de l'épilepsie mais de réactions violentes du démon qui parle et crie par la voix du possédé et le secoue de l'intérieur avant de partir… – la coïncidence entre une maladie aux symptômes identiques et la possession n'exclut pas cette dernière car, souvent, le démon utilise les prédispositions naturelles du sujet : il attaque son point faible… Le démon à l'art de se dissimuler derrière une maladie ou l'apparence d'une maladie… […] Jésus et les évangélistes distinguent constamment possession et maladie… Pour les possédés, Jésus ne fait pas un geste thérapeutique (imposition des mains, onctions) mais « il commande à l'Esprit impur » qui souvent résiste et réagit en parlant par la bouche du possédé. Il lui commande… dans la guérison, il n'y a ni dialogue, ni combat… La leçon finale de Jésus concerne la foi, la prière et le jeûne nécessaires dans le combat spirituel. Les disciples, malgré le pouvoir reçu, n'ont pu chasser le démon ? Ils en sont déconcertés. Le Christ incrimine l'insuffisance de la prière et du jeûne selon plusieurs manuscrits.
La foi du père requise par Jésus relaie l'insuffisance des disciples qu'il invite aussi à l'humilité. C'est une grande et très actuelle leçon…
La petite fille cananéenne…
Et voici qu'une femme cananéenne, sortie de ce territoire, cria en disant : – Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David. Ma fille est fort malmenée par un démon » [Matthieu] « par un Esprit impur. » [dit Marc] Jésus la repousse, mais elle insiste de manière touchante pour qu'il « chasse le démon hors de sa fille » et Jésus loue sa foi, et lui dit : – Ô femme, grande est ta foi ! Qu'il t'arrive comme tu veux. » Et sa fille fut guérie à cette heure-là… » [Matthieu] Le trait significatif, c'est qu'il s'agit ici d'une libération à distance comme en réalisent encore aujourd'hui de nombreux exorcistes. Le cas paraît peu instructif car les évangélistes ne décrivent ni symptômes, ni rite propre à l'exorcisme. […] Jésus lui-même ne parlant que de guérison. Question-objection : exorcisme ou guérison ? Il est vrai qu'à cette époque -et aujourd'hui encore- on peut confondre possession et maladie qui souvent interfèrent et appellent l'une ou l'autre guérison : physique ou spirituelle… [N.d.l.r. - Un extrait d'un prière à lire en cas de guérison spirituelle : « Dieu tout-puissant, clément de votre bonté, nous vous invoquons afin que vous vouliez bien conférer votre grâce à … … … ; pardonnez-lui tous ses péchés que la fragilité humaine lui a fait commettre : purgez, rétablissez, guérissez ce que la méchanceté des démons a corrompu en lui ; enlevez toute douleur, et éloignez toutes choses néfastes engendrées par les mauvais Esprits… Ayez pitié, Seigneur, des gémissements et des larmes……… » [Abbé Julio]
L'homme aux cochons…
Plus déconcertant, mais très significatif est l'exorcisme de l'énergumène gérasénien, sur l'autre rive du lac. C'est un homme dangereux… on l'enchaînait à grand-peine, mais il brisait ses chaînes. Ici, comme aujourd'hui, le possédé dialogue avec Jésus. – « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Très-Haut ? Je t'adjure par Dieu, ne me tourmente pas ! » Le démon parle par la bouche du possédé qu'il utilise comme instrument. Ce fait, signalé plusieurs fois dans l'Evangile, a perduré jusqu'à ce jour dans l'expérience quotidienne des exorcistes… Par la voix du possédé, le démon adjure, résiste, négocie… Jésus ne discute pas avec lui, Il commande… « Il lui demandait : – Quel est ton nom ? – Légion est mon nom, car nous sommes beaucoup. Et il le suppliait instamment qu'il ne les envoyât pas hors du pays… » Certains exorcistes actuels retrouvent ce nom et cette horde agressive. "Légion" négocie son départ : « Envoie-nous dans les porcs… » Aujourd'hui encore, c'est un soulagement pour les démons d'habiter ici-bas, [N.d.l.r. - au milieu des humains qui en fait, leur ressemblent… et ils se déculpabilisent en disant : lui, elle aussi sont tombés, nous ne sommes pas les seuls !… C'est un peu ce que l'on retrouve aussi chez les Humains : A quelqu'un qui essaie d'arrêter de fumer ou de boire, ne voit-on pas, à l'occasion de fête familiale, les proches -ceux qui fument ou boivent- proposer… une petite dernière, allez, va ! Ou un dernier verre à quelqu'un qui doit prendre la route ?…»] Ils fuient leur malheur pour le faire partager à leurs victimes. C'est une satisfaction sadique…
Le démon muet…
Matthieu signale brièvement l'exorcisme d'un homme… – « On lui amena un démoniaque muet. Le démon fut expulsé et le muet parla… » Luc applique directement au démon le qualificatif de « muet », selon son efficience. Les démons sont souvent loquaces par la bouche du possédé…
La femme courbée…
Faut-il voir un exorcisme dans le cas de la femme courbée que Luc seul rapporte à un Esprit ? [N.d.l.r. - Luc n'est pas un apôtre : il n'a pas été le témoin de ces choses ; il ne fait que rapporter ce qu'il a entendu…] – « Voici qu'une femme ayant un Esprit de maladie depuis dix-huit ans, était toute courbée et incapable de se redresser. La voyant, Jésus l'interpella et lui dit : – Femme, tu es délivrée de ta maladie. Il lui imposa les mains et aussitôt, elle se tint droite et elle glorifiait Dieu… »
Curieusement, Luc est plus ambigu que Marc chez qui la guérison n'est pas présentée comme un exorcisme. On se demande pourquoi Luc, le médecin, attribue cette pathologie à « un Esprit de maladie… »
Marie-Madeleine…
Les Evangiles n'ont relaté que ces exorcismes-là. Mais ils en mentionnent beaucoup d'autres. En premier lieu, Marie-Madeleine dont Jésus avait chassé sept démons. Sa délivrance la mena très loin : courageusement, au calvaire, près de Jésus et au tombeau où elle alla la première et eu le privilège de sa toute première apparition…
Jésus à Capharnaüm…
« Après le coucher du soleil, on lui apportait tous les malades et les démoniaques et la ville entière était rassemblée devant la porte. Et il guérit beaucoup de malades affligés de divers maux, et il chassa beaucoup de démons, mais il empêchait les démons de parler… » Le lendemain, il part pour d'autres villes prêchant dans les synagogues et chassant les démons : « Il en avait guéri beaucoup, si bien que tous ceux qui étaient affligés de maladie se précipitaient vers lui pour le toucher. Et les Esprits impurs, lorsqu'ils le voyaient, se prosternaient devant lui et criaient : – Tu es le Fils de Dieu… »
Luc situe d'autres exorcismes :
« A ce moment-là, il guérit beaucoup de gens affligés de maladies, d'infirmités, d'Esprits malins, et il rendit la vue à beaucoup d'aveugles… »
Bien sûr, Satan n'allait pas laisser faire cela impunément : – « Vous dites que c'est par Béelzéboul, le prince des démons, que j'expulse les démons ? » Dans l'Evangile de Jean, aucun exorcisme n'est mentionné, mais Jésus est accusé d'être possédé ; et Jésus stigmatise ses adversaires comme « fils du diable », « père du mensonge… »
Les apôtres, exorcisent…
Jésus a envoyé ses disciples en mission, à plusieurs reprises, afin d'annoncer la Bonne Nouvelle avec les signes de sa puissance : guérir et exorciser… « Il appelle alors les douze et se met à les envoyer en mission -deux à deux- en leur donnant autorité sur les Esprits impurs… » Pour la mission des 72 disciples, le discours de Jésus ne précise pas la mission d'exorciser ni de guérir, mais elle est bien présupposée puisqu'ils disent à leur retour : – « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. » Et Jésus répond : – « Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les Esprits vous sont soumis ; réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux… »
Vu l'efficacité des exorcismes de Jésus et des disciples en son nom, il y eut des imitateurs marginaux. L'apôtre Jean les réprime et dit à Jésus : – « Maître, nous avons vu quelqu'un chasser les démons en ton nom, mais il ne nous suit pas. Nous l'empêchons donc parce qu'il n'est point ton disciple. » Et Jésus répond : – « Ne l'empêchez pas, car nul faisant un miracle en mon nom pourra aussitôt après parler mal de moi. Qui n'est pas contre nous est avec nous… »
Selon Marc, avant de quitter ses disciples, le Christ leur prescrit la mission d'exorciser jusqu'à la fin du monde : « Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui ont cru : par mon nom, ils chasseront les démons, ils parleront en langues, et s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira point. Ils imposeront les mains aux malades, et ceux-ci guériront… »
Après le départ de Jésus…
Après le départ du Christ, les apôtres continuent donc d'exorciser : « A Jérusalem, on apportait des malades et des gens possédés par des Esprits impurs, et tous étaient guéris.» De même pour Philippe en Samarie : « De beaucoup de possédés, en effet, les Esprits impurs sortaient en poussant des cris. » Suivent des exorcismes qui reviennent clairement et sans ambiguïté dans les Actes des apôtres : « Une servante avait un Esprit divinateur. […] Elle se mit à nous suivre, Paul et nous, en criant : – Ces gens-là sont des serviteurs du Dieu Très Haut ; ils vous annoncent la voie du Salut. Elle fit ainsi pendant bien des jours. A la fin, Paul excédé, se retourna et dit à l'Esprit : – Je te l'ordonne, au nom de Jésus-Christ, de sortir de cette femme. Et l'Esprit sortit à l'instant même. »
De même… « Dieu opérait par les mains de Paul des miracles peu banals, à tel point qu'il suffisait d'appliquer sur les malades des mouchoirs ou des linges qui avaient touché son corps, et des maladies les quittaient, et les Esprits mauvais s'en allaient. »
Dans les actes des apôtres, la lutte contre Satan se présente aussi comme lutte contre la magie : Simon Pierre affronte victorieusement Simon le mage, que Philippe semble avoir converti. Mais le magicien veut lui acheter le pouvoir de l'Esprit saint.
Paul condamne la sorcellerie, immédiatement après l'idolâtrie, parmi les « œuvres de chair » ennemies de l'Esprit de Dieu.»
Conclusion…
Jésus nous a révélé l'action pernicieuse et hypocrite du démon, et jusqu'à quel point il peut entrer dans l'Homme, le déstabiliser, le posséder, faire des Hommes, ses fils, à son service. Jésus nous met en garde contre l'ennemi : un ennemi mortel, tant physiquement que spirituellement… car Satan défend son territoire par une guerre permanente… Jésus a accompli des exorcismes, c'était un usage juif. Mais il le faisait « avec autorité ».
Souvent, le démon parle par le possédé. Il reconnaît le Christ qui le fait taire. Il résiste, il adjure Jésus de le laisser en paix. Il négocie en parlant par la voix de sa victime. En partant, il la secoue de l'intérieur et pousse par sa voix, un dernier cri qui traduit sa fureur… Dans les exorcismes de l'Evangile, Jésus commande au démon-squatter. Il y a parfois dialogue, discussion, soit que le démon reconnaisse et adjure le Christ, soit que Jésus lui impose silence, lui demande son nom ou le chasse. Les rites spécifiques de l'exorcisme se sont perpétrés dans la tradition chrétienne. L'exorcisme est l'exercice d'un charisme qui requiert des dispositions et des qualités auxquelles l'évêque fait particulièrement attention avant de nommer un prêtre à ce ministère. Non seulement la sainteté, la prudence, mais aussi des dons de discernement, d'autorité, de contact et d'influence. [N.d.l.r. - Si l'évêque doit nommer un prêtre exorciste, cela veut dire que tous les prêtres ne sont pas habilités à exorciser et donc ne sont pas apôtres du Christ… Vu à la télé… Une autre lacune à relever à la paroisse saint-Irénée à Paris : le prêtre exorciste, débordé, laisse le soin à ses acolytes (hommes ou femmes choisis par lui) de faire le tri ; incroyable, mais vrai ! Et pourtant, le dicton le dit : « Quand on doit s'adresser au bon Dieu, il ne faut pas s'adresser à ses saints… » Un peu comme si on se rendait à l'hôpital et que le chirurgien laissait aux infirmiers le soin du diagnostic et la décision d'opérer ou pas. On ne l'accepterait pas… Ceux qu'on accepterait pas pour le corps, certains le prônent pour l'Esprit !… Il y en a qui doivent bien rigoler, là-haut, et d'autres… pleurer !]
|