EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

LA DÉMONOLOGIE À TRAVERS LES CIVILISATIONS

II.3.1. Introduction : La démonologie à travers les civilisations

L’esprit invisible qui suscite maladies et malédictions se révèle l’une des croyances les plus primitives. Monstres, titans, dragons, diables et démons livrent un combat perpétuel contre les hommes et reflètent toutes leurs
angoisses.

Dantesque ! Infernal ! Démoniaque ! Le diable marque la culture et le vocabulaire. Il est de la partie. On le tire par la queue. On lui vend son âme, pendant que l’Antéchrist Superstar s’impose dans tout l’éclat du Rock’n'roll, encensé par des foules en délire.

Chaque civilisation a créé ses mythes du bonheur et du malheur, ses dieux et ses démons pour exprimer ses désirs et ses craintes. « Chaque époque offre des réponses différentes à la réalité du mal. »

 
Amulette, eau sacrée, signe de la croix, récitation d’incantations éloignent les mauvais esprits. Les prières et les gestes simples peuvent ponctuellement annuler un sinistre ou provoquer un heureux dénouement. Mais dans les cas graves, de savants rituels sont requis. Présent dans toutes les religions, l’exorcisme, par exemple, sert à contrer les maléfices des dieux irrités et des démons.
Toute mort individuelle se révèle le début d’une expérience dans l’au-delà et la poursuite d’une existence placée sous le signe du juste et de l’injuste. Au seuil de cette mutation se trouve le jugement qui décide de la souffrance dans l’anéantissement ou de la félicité dans la vie éternelle. La plupart des religions présentent le sort des âmes après la mort comme une sanction de la conduite pendant la vie terrestre.
L’idée d’un jugement qui détermine le destin individuel des défunts devient un élément essentiel des croyances des grands ensembles religieux. Cette idée évolue selon les réalités de la justice terrestre et selon les conceptions du bien et du mal.
Aujourd’hui symboles, les enfers ont représenté, pendant des millénaires, un élément de l’existence humaine. Plusieurs religions les ont utilisés pour illustrer les conséquences de la vilenie des actions terrestres.

 

Chez les Hindous
Les Hindous conçoivent l’univers comme une hiérarchie de plans d’existence. Les stades de développement non atteints sont lumineux et ceux déjà franchis, sombres et démoniaques. Selon la voie empruntée, certaines forces
font des humains la proie de leurs instincts ou les aident à s’en libérer.

L’Atharva-Veda fournit la matière verbale nécessaire aux rites concernant les démons. Certains hymnes du Veda sont même qualifiés de « tueurs de démons » et sont récités dans les circonstances solennelles ou graves. Les
mantras, formules tirées du Veda, sont plutôt d’usage domestique ou privé. Ils agissent sur les dieux, donc à plus forte raison sur les démons, qui leur sont bien inférieurs. Les rituels domestiques montrent comment, à chaque étape de la vie, l’homme doit être protégé par les rites qui mobilisent les influences heureuses et neutralisent le malheur.

Le Ramayana est un poème épique de 24 000 vers, rédigé entre le IVe siècle av. J.-C. et le IIe siècle. Il occupe la première place parmi les mythes hindous les plus anciens. Cette uvre attribuée à Valmîki décrit le périlleux combat de Râma qui veut reconquérir sa femme Sita enlevée par Râvana et emmenée à Lanka, la ville des Titans. Grâce au dieu Hanumân, Sugrîva, le roi des singes, construit un pont menant à Lanka, permettant à Râma de libérer Sîtâ.

Divinité sans doute la plus populaire de l’hindouisme, Krishna est le héros mythique le plus célébré. Ses exploits guerriers consistent à lutter sans cesse contre des adversaires démoniaques. Il est le huitième avatâr (manifestation) de Vishnu sur terre en vue de combattre les forces du mal. Un avatâr apparaît chaque fois que le besoin de contrer une influence néfaste dans le monde se fait sentir.

Les êtres humains circulent à travers des destinées variables. Une fois décédés, leur sort est déterminé selon la vie qu’ils ont menée sur terre. Ils montent vers la lumière s’ils se sont engagés dans la pratique spirituelle ou descendent vers la noirceur, dans le cas contraire. Tous les êtres séjournent un temps donné en enfer afin d’expier leurs fautes. Par la réincarnation ils accèdent à une vie plus ou moins noble selon qu’ils ont bien ou mal agit.

 

Chez les Bouddhistes
Les démons doivent être interprétés comme des fonctions nuisant à la pratique bouddhique. Cette doctrine est fondée sur la perception de la douleur. Douleur de la vie présente et de son instabilité, douleur des vies successives, desquelles héritent les croyants à leur mort. Le Bouddha a prêché une voie qui permet de s’affranchir de cette souffrance. Cette voie consiste en une formation morale et spirituelle dont le but est d’abandonner le cycle des renaissances. Les bouddhistes ne nient pas l’existence des démons, mais ils se concentrent plutôt sur les racines orales et psychologiques du mal humain.
Il y a une différence remarquable entre la philosophie pure et la pratique populaire. L’Asie est riche en divinités protectrices des sanctuaires, des maisons et des hommes. Quels que soient les temples ou les monastères où l’on entre, ces divinités sont placées à l’entrée dans une position menaçante ou défensive. Elles servent en général à protéger des mauvais esprits, des démons et des non-croyants. Parmi ces divinités se trouvent les Dharmapâla, ayant pour mission de défendre et de maintenir la loi bouddhique. Principalement honorés au Tibet, ils y sont vénérés individuellement ou en groupe.
Les bouddhistes intègrent l’enfer dans le cycle de la vie en tant que lieu de renaissance possible. Les péchés sont expiés dans la traversée des huit enfers chauds et des huit enfers froids. Les multiples châtiments, qui varient selon la nature des crimes, sont d’un incroyable raffinement. En tant qu’état de vie, l’enfer correspond à une condition de souffrance mentale ou physique extrême. Heureusement, il n’est pas éternel, le cycle des réincarnations se poursuit.

 

Chez les Juifs
Dans le Livre de Job, Satan siège à la cour céleste de Yahvé. Totalement subordonné à Dieu, il est l’accusateur de l’homme et incite ce dernier à se détourner du divin. Après l’Exil (500 ans av. J.-C.), Satan devient une figure idividuelle. Dans le Livre de la Sagesse, on affirme que le diable est à l’origine du mal. Dans Chroniques, Satan pousse David à persécuter le peuple d’Israël. Au fil des âges, le diable devient un esprit maléfique puissant, hostile à Dieu et indépendant de lui. Ainsi il se révèle à la fois l’ennemi de l’homme et de Dieu.
La cérémonie du bouc émissaire chargé des péchés d’Israël et chassé dans le désert, peut être vue comme une transposition symbolique des exorcismes. Tandis qu’au temps de Jésus, ces pratiques pour expulser les démons étaient courantes chez les juifs, dans l’Ancien Testament, aucun exemple n’est fourni. Dans le Talmud et le Midrash, on trouve par ailleurs les noms, les activités et les natures des démons ainsi que les moyens de les éviter et de les vaincre.
Dans le judaïsme ancien, la justice divine ne s’exerce que sur la collectivité. La responsabilité morale joue davantage durant la vie terrestre qu’après la mort. Ainsi les châtiments divins prennent diverses formes comme la maladie, la guerre ou la ruine. Une fois décédés, les croyants sont destinés à mener une vie léthargique dans le shéol (lieu souterrain). Au VIIIe siècle av. J.-C., les châtiments sont individualisés. Sous l’influence des contacts avec les grandes religions voisines, naît l’idée d’un jugement et d’un sort propre à chaque âme. Dans le Livre de Job, écrit au Ve siècle av. J.-C., des questions sont soulevées face au malheur qui frappe la personne juste. Au IIe siècle av. J.-C. apparaît la littérature apocalyptique. La mort héroïque de tant de justes encourage la croyance en un système de rétributions dans l’au-delà. On voit de plus surgir des écrits selon lesquels les hommes ne sont jugés qu’à la fin des temps. Par la suite, cette idée de jugement dernier gagne la quasi-totalité du monde juif. Dans le Livre d’Hénok, écrit au Ier siècle av. J.-C., on explique qu’après un séjour dans les entrailles de la terre, les uns vont au jardin d’Éden et les autres en Enfer. Les peines sont temporaires et purificatrices. Cependant le Judaïsme n’a pas établi de dogme quant à la notion d’au-delà.

 

Chez les Chrétiens
Satan, dont la personnalité se dessine nettement à l’approche de l’ère chrétienne, prendra, sous l’influence des croyances populaires, davantage d’importance à l’époque où Jésus annonce l’Évangile. D’ailleurs, dans Le Nouveau Testament, on en fait mention à 53 reprises alors que dans L’Ancien, on ne l’évoque qu’à l’occasion. Les évangiles font fréquemment état de démons que le Christ chasse du corps des possédés. Jésus ne recourt pas à des rites d’exorcisme semblables à ceux de son milieu : seule sa parole et sa foi lui servent à triompher des forces du mal. Ses disciples ont reçu le don de chasser les démons en son nom. Dans l’Église romaine, on distingue les exorcismes ordinaires comme l’administration du baptême, des exorcismes extraordinaires, qui peuvent s’étendre sur une longue période. Il est à noter que l’exorcisme solennel ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l’évêque.
Dans Le Nouveau Testament, les allusions à un jugement sont peu nombreuses. C’est à partir du XIIe siècle qu’il prend une importance primordiale pour les chrétiens. Chez les protestants, Luther est effrayé par l’image du Dieu-juge. Il préfère le voir comme un Dieu de miséricorde.

 
Malgré le concept du jugement adouci au milieu du XIXe siècle, il faut attendre les années 1960 pour qu’il soit rééquilibré. L’Église catholique insiste alors davantage sur l’amour et sur la miséricorde.
Du IIe au Ve siècle, les opinions sont partagées chez les Pères de l’Église en ce qui concerne la nature des peines.
C’est saint Augustin qui fixe la conception quasi définitive de l’enfer chrétien. L’impitoyable raisonnement des théologiens médiévaux complété par les horreurs de l’imagination populaire, aboutit à l’édification d’un épouvantable lieu de douleur. La souffrance y règne à l’état pur pour l’éternité. Le feu recrée le corps en même temps qu’il le consume. On voit dans l’imagerie populaire les sept péchés capitaux comme autant de sources d’accès aux enfers. On distingue alors les bons et les mauvais, catégories d’après lesquelles sont suggérées des peines infernales. Ce discours sur l’enfer tombe en désuétude dans les années 1960.
Chez les Musulmans
La religion islamique a puisé son concept du diable dans le judaïsme et le christianisme. Le Satan musulman n’incarne toutefois pas le mal, lequel se trouve enfoui dans la nature imparfaite de l’homme. Il se contente d’œuvrer
sans répit à bouleverser la postérité d’Adam, pour inciter ce dernier à la faute, toujours et partout.
Ennemi de l’homme, le démon est, selon le rituel, lapidé lors du pèlerinage musulman. À la tombée de la nuit, les pèlerins, rassemblés à Arafat, recueillent 70 cailloux et en sélectionnent 49 de la même grosseur. Le lendemain, ils se rendent à Mina. Les 49 cailloux doivent être jetés contre trois stèles en pierre symbolisant Satan, disposées sur un parcours de 272 mètres traversant le site de Mina. Selon la tradition populaire, c’est en ce lieu qu’Abraham a été tenté, sous l’influence de Satan, de désobéir à l’ordre de Dieu : sacrifier son fils.
Dans les prédications de Mohamed, le jour du jugement tient une place importante. Il évoque de grandes catastrophes et inspire l’effroi. Ce monde, que Dieu a créé, prendra fin lorsque l’ » Heure  » sera venue : la terre tremblera, les montagnes éclateront, le ciel se fendra et la trompette sonnera. Tous les morts aussitôt seront ressuscités et comparaîtront publiquement devant Dieu pour être jugés.
Dans l’Iran antique, on croyait que le trépassé devait passer un pont étroit suspendu au-dessus de l’enfer conduisant au paradis. Ce pont plus fin qu’un cheveu et plus affilé qu’une épée n’était franchi que par les croyants. L’enfer musulman gît au fond de la terre. À tout péché correspond un séjour particulier. Les démons envoient le damné, là où règne le mal. Il s’agit d’un enfer à sept étages, où la chaleur augmente au fur et à mesure que l’on descend. Ceux qui ont commis des péchés graves se retrouvent dans les enfers inférieurs, d’où ils peuvent voir les élus jouissant de leur place au paradis. La tradition multiplie les supplices. Certains écrits évoquent les délices promis aux justes et les souffrances infligées aux impies. Ces textes traduisent le bonheur d’être auprès de Dieu et la douleur d’en être séparé.

 

Après nous être intéressé aux origines religieuses et mythologiques de la démonologie, voyons maintenant comment se constitue la hiérarchie infernale. Nous n’utiliseront volontairement que la mythologie judéo-chrétienne dans la description des entités infernales et nous appuierons surtout la description faites par Jean WIER dans sa Pseudomonarchia Daemonum et Stanislas de Guaïta dans Le problème du Mal.

 

Texte de Kirirk

 

source: site "luxtenebrae .site11.com"



21/10/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Religion & Croyances pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 55 autres membres