EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

Le Saint Chrème

Dictionnaire de Liturgie, Paris 1863.

 

Sous ce nom chrême qui dérive du grec et du latin chrisma, onction, plusieurs auteurs comprennent toutes les huiles saintes. Nous les réunissons donc ici et nous présentons en un seul article ce qui a rapport, 1° au chrême proprement dit ; 2° à l'huile des catéchumènes ; 3° à l'huile des infirmes.

1° Le chrême est un composé d'huile d'olive et de baume, lequel est une espèce de résine très-odorante qu'on retire, par incision, de l'arbre nommé opobalsamum. Cet arbre croît dans l'Arabie et la Judée. Ce mélange est, comme on sait, l'emblème de la douceur et de la bonne odeur des vertus d'un vrai disciple de Jésus-Christ. Chez les Grecs, le chrême ou myron est aussi composé d'huile d'olive et de baume, mais ils y ajoutent d'autres substances odoriférantes. Les Maronites avant leur réunion à l'Église romaine composaient leur chrême de baume, de safran, de cannelle, d'essence de rose, d'encens blanc, etc., toutefois la base a été toujours l'huile d'olive et le baume, et il n'est pas sans importance de faire cette remarque.

Le chrême et les autres onctions d'huile simple dans l'administration des sacrements de Baptême, de Confirmation, d'Extrême-Onction et d'Ordre, remontent à une très-haute antiquité, et on s'accorde à les considérer comme d'institution apostolique. Faut-il avec D.Claude de Vert n'y voir que la suite de la coutume des anciens de se frotter d'huile et de se parfumer après le bain ? Nous ne le pensons pas et nous reconnaissons que ce savant bénédictin, dont on ne peut contester l'érudition, a été quelquefois un peu trop passionné pour son système des explications littérales.

2° L'huile des catéchumènes n'admet aucun mélange. Elle doit être d'olive ainsi que celle des infirmes. Il n'y a d'ailleurs à proprement parler d'autre huile que celle qui est exprimée du fruit d'olivier, oleum ex oliva. Dans aucun cas il n'est permis d'employer d'autre huile. Saint Cyrille y fait allusion par ces paroles qu'il adresse aux fidèles nouvellement baptisés : « Vous avez été oints d'huile exorcisée et ainsi vous avez participé aux fruits de l'olivier fécond qui est Jésus-Christ ».

3° L'onction d'huile sur les infirmes est clairement désignée dans l'Épître de saint Jacques, et cela seul ruinerait le système de D. Claude de Vert. On a agité la question de savoir si celle-ci devait absolument être bénite par l'évêque, pour rendre l'Extrême-Onction valide. Le plus grand nombre des théologiens opinent que ce sacrement n'aurait aucun effet si on l'administrait avec une huile non consacrée par la Bénédiction épiscopale.
 

II.
 

L'évêque seul peut consacrer et bénir le saint chrême, l'huile des catéchumènes et celle des infirmes. Une tradition constante lui en a toujours réservé le droit. C'est le Jeudi saint qu'à lieu cette cérémonie. Benoît XIV pense que c'est vers le septième siècle que fut fixée à ce jour la consécration des Saintes huiles qui d'ailleurs serait valide en tout autre temps. Saint Thomas du reste en donne une bonne raison : c'est que ce jour est l'avant-veille du Samedi saint où le baptême était conféré solennellement ; et encore parce que le Jeudi saint étant la fête de l'institution de l'Eucharistie, ce jour est convenablement destiné à la Bénédiction des matières des sacrements qui tous se rapportent, en quelque manière, à celui de l'Eucharistie.

Le pontife est assisté de douze prêtres, de sept diacres et d'un nombre suffisant d'acolytes. Cet appareil n'est point nécessaire à la validité, mais il est employé pour donner à cet acte une solennité dont il est digne. Il est vrai que les prêtres sont appelés quelquefois coopérateurs de l'évêque dans ce cérémonial, mais ils ne le sont que pour la pompe et non pour l'essence même de cette consécration.

Arrivé à ces paroles du Canon de là Messe : Per quem hæc omnia semper bona creas, le célébrant exorcise l'huile des infirmes renfermée dans une urne que lui présente l'archidiacre en disant, Oleum infirmorum, puis il la bénit par une Oraison particulière, et ensuite il continue la Messe jusqu'à la Communion. Celle-ci étant terminée, l'archidiacre lui présente l'urne qui contient le saint Chrême, et celle où est l'huile des catéchumènes, en disant pour la première, oleum ad sanctum chrisma, et pour la seconde, oleum catechumenorum. Une Procession commence et on y chante l'Hymne O Redemptor. Quand elle est finie, le pontife bénit d'abord le baume par deux Oraisons, il le mêle ensuite avec une petite quantité d'huile et récite une autre prière ; puis il souffle trois fois sur cette mixtion, en forme de croix : les douze prêtres en font de même.

La Bénédiction du chrême commence par un exorcisme et se termine par une longue Préface à la fin de laquelle ce mélange de baume et d'huile est versé dans l'urne qui contient la quantité d'huile convenable, en prononçant une courte formule. Aussitôt commence la salutation du saint Chrême par l'évêque et les prêtres qui l'assistent.

Cette cérémonie a été blâmée par les hérétiques comme un acte superstitieux et même idolâtrique. Mais qui ne sait que l'honneur rendu à cette créature de baume et d'huile se rapporte essentiellement à Dieu ? Dès le cinquième siècle l'insufflation et la salutation Ave sanctum chrisma, étaient en usage.

Immédiatement a lieu l'exorcisme et ensuite la Bénédiction de l'huile des catéchumènes. Celle-ci est saluée par l'évêque et les prêtres qui disent trois fois sur le ton des Leçons : Ave sanctum oleum. Les deux urnes du saint Chrême et de l'huile des catéchumènes, sont rapportées processionnellement à la sacristie, et l'on chante les dernières strophes de l'Hymne O Redemptor.

Le Pontifical romain indique les diverses destinations de ces trois sortes d'huiles consacrées par les Bénédictions de l'Église. Nous traduisons Benoît XIV qui les énumère : « L'Église emploie l'huile des catéchumènes à la bénédiction des fonts baptismaux, dans l'administration du Baptême, dans la consécration des autels fixes ou mobiles, dans l'Ordination des prêtres, et dans le couronnement des rois et des reines. L'huile des infirmes sert pour l'Extrême-Onction et la Bénédiction des cloches. Enfin l'Église fait usage du saint chrême dans les sacrements de Baptême et de Confirmation, dans la consécration des évêques et celle du calice et de la patène, ainsi que dans la Bénédiction des cloches où, comme nous l'avons dit, est aussi employée l'huile des infirmes ».
 

III.
 

Chaque curé doit aller tous les ans prendre les nouvelles saintes huiles, soit dans l'église cathédrale, soit dans d'autres églises qui en sont dépositaires, et dont le titulaire est chargé de les distribuer. Ils ne peuvent députer pour cela que leurs vicaires ou autres prêtres, ou même des diacres ou sous-diacres. Les vases des saintes huiles doivent être d'argent ou du moins d'étain. On doit les garder non dans le tabernacle avec le Saint Sacrement, comme cela a lieu abusivement quelquefois, mais dans les fonts baptismaux. L'huile de l'Extrême-Onction peut être déposée dans la sacristie, en un lieu décent. Les vieilles huiles doivent être égouttées dans la lampe, et le coton qui en était imbibé jeté au feu.

En certaines circonstances les saints huiles sont portées processionnellement ou exposées à la vénération des fidèles. C'est après l'Eucharistie l'objet le plus digne de respect. Le Pontifical romain défend aux prêtres de donner aux laïques les saintes huiles sous prétexte de s'en servir contre les maladies, ou maléfices. Une semblable défense est faite dans un Canon du Concile d'Arles en 813. Il y est ordonné que le saint Chrême sera gardé sous clef de peur qu'on n'en prenne pour faire des applications en forme de remède.
 

IV.  Variétés.
 

Il paraît que vers les huitième et neuvième siècles on avait une confiance très-superstitieuse dans les saintes huiles. Les malfaiteurs mêmes se persuadaient qu'en se frottant du saint Chrême ils ne pourraient être découverts. Aussi était-ce avec un grand soin qu'on tâchait de les soustraire a ces dévots d'une singulière espèce. Les Conciles de Mayence et de Tours firent des prohibitions à cet égard.

On trouve dans le Sacramentaire gallican la formule de l'infusion du saint Chrême dans l'eau baptismale, en ces termes : Infusio chrismæ salutaris Domini Nostri Jesu Christi, etc. on voit que le terme latin chrisma y est pris au genre féminin.

Chez les Grecs, les simples prêtres sont en possession de bénir l'huile des infirmes chaque fois qu'ils donnent l'Extrême-Onction. Clément VIII a autorisé cet usage.

Dans ses réponses aux questions liturgiques que lui fait le sieur de Moléon, Philippe Guailan, prêtre syrien, dit, que ce n'est que tous les trente ou quarante ans que le patriarche, accompagné de quantité d'évêques et de curés, consacre ou bénit les saintes huiles.

Le chevalier Ricault dans son livre intitulé : État présent de l'Église grecque, s'exprime ainsi : « Le Vendredi saint est marqué pour la consécration du saint Chrême. L'évêque ou archevêque en fait autant qu'il juge à propos, pour toute l'année. Ce chrême a à peu près la même consistance que le beurre. L'huile en est la base, et les ingrédients sont le baume, le bois de l'arbre duquel il distille, le fruit du même arbre, le bois de casse, l'échinantes, la myrrhe, la gomme appeléeLadanum. La consécration en est accompagnée de beaucoup de cérémonies. Car l'huile ayant été préparée, comme nous l'avons marqué, le curé, assisté de diacres, la porte dans une boîte d'albâtre couverte, et la met sur l'autel. Ensuite il la prend de dessus l'autel, et, étant suivi des mêmes diacres, avec des lampes dans leurs mains, il va au-devant du patriarche ou de l'évêque à la porte de l'église, et lui donne cette boîte. Lorsque l'évêque ou patriarche l'a reçue il la place à gauche de la table de la communion, l'un des diacres disant : acquittons-nous de nos prières envers Dieu. Après cela le patriarche, ou, en son absence l'évêque, se met au pied de la table de la communion en couvrant la sainte huile d'un voile, la marque trois fois du signe de la croix, disant d'une voix basse la prière que voici ». L'auteur que nous citons donne en entier cette Oraison qui est très-belle, mais que sa longueur ni le plan de cet ouvrage ne nous permettent pas d'insérer ici.

Nous ne pouvons nous expliquer la singulière erreur de M. de la Croix, qui dans son Dictionnaire des cultes religieux nomme cinq sortes d'huiles saintes au lieu de trois que l'Église a toujours reconnues. Il a confondu sans doute avec lechrême catholique l'huile dont on sacrait les rois, sous la loi de Moïse, et celle qui servait à la consécration des choses saintes dans le tabernacle et le temple.

On donnait le nom de chrémeau au linge ou barette de toile dont on avait soin d'envelopper la tête ou le front de celui qui venait de recevoir le Baptême ou la Confirmation. Les évêques, le jour de leur sacre, gardaient aussi la tête couverte d'une barette de toile. Dans ces deux cas, c'était par respect pour le saint chrême et afin qu'il ne fût point profané. Aujourd'hui on essuie avec des étoupes la partie qui a reçu une onction.

Les autels nouvellement consacrés sont couverts, pour la même raison, d'une toile cirée qu'on nomme aussi chrémeau.

Outre le nom de chrismale, chrémeau, on trouve ces linges désignés sous les noms de sindones, et de sabanum. Le nom de chrémeau est encore employé pour désigner le linge ou voile blanc que le prêtre met sur la tête du nouveau baptisé, en disant Accipe vestem candidam, etc. On donne aussi ce nom au linge que les confirmants portent au bras pour servir à essuyer leur front après l'onction du saint Chrême.



15/02/2012
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