EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

Quelle pastorale?

De nos jours, la délivrance des forces du mal est devenue un thème majeur dans les Églises chrétiennes, toutes tendances confondues. Ce ne sont plus les seules Églises pentecôtisantes et réseaux charismatiques qui se préoccupent de l’influence de mauvais esprits sur la vie quotidienne des croyants. 

Les demandes d’aide dans ce domaine vont croissant, et l’éventail de pratiques de délivrance est large, les approches pastorales étant très différentes les unes des autres, mais elles ont ceci en commun qu’elles abordent la souffrance de l’homme sous l’angle de l’influence des puissances invisibles du mal. Certains considèrent cette influence démoniaque comme un aspect possible parmi d’autres, d’autres y attribuent quasiment tout ce qui est péché, maladie et souffrance.

L’intérêt pour une pastorale de délivrance dans les Églises montre bien que les fidèles sont de plus en plus nombreux à reconnaître l’influence négative des puissances invisibles sur leur vie.

Les différentes pratiques et méthodes de délivrance et de libération sont si nombreuses qu’il est difficile de s’attarder sur tout ce qui se pratique dans les Églises. Dans ce chapitre, nous présentons un certain nombre de pratiques qui nous semblent être les plus répandues. 

 

Chez les évangéliques 

Commençons donc par les milieux évangéliques au sens large du terme, donc y compris les Églises charismatiques, pentecôtisantes. Là, nous assistons à un essor des ministères de délivrance. Ce terme regroupe une pléthore de pratiques bien différentes, mais qui sont toutes basées sur la notion que la cause de certaines souffrances est d'ordre spirituel, démoniaque. Pour avoir une idée plus précise de ce que de tels ministères représentent, il suffit de taper ce terme sur Google et de lire quelques-unes des pages qui vont être proposées. Vous aurez le choix. Et plus encore, quand vous faites votre petite recherche en anglais !

En fait, on trouve sur le terrain une multitude de ministères de délivrance, exercés par des organismes ou des spécialistes. Les derniers agissent par la force d’un « don » ou d’un « ministère » de délivrance. À en croire la publicité, leurs ministères sont tous plus « puissants » les uns que les autres. Ils exercent d’habitude dans des Églises évangéliques et pentecôtisantes, souvent des assemblées issues de l’immigration, aussi dans des conférences et des séminaires qui attirent un public de tous les horizons.

 

Lors du stage de l’École Pastorale consacré à la pastorale de délivrance (cf. la préface de cet ouvrage), Richard Morris a relevé plusieurs pratiques que l’on rencontre dans les milieux évangéliques. Nous reprenons ces propos en résumé.

 

Imposition des mains au moment de la conversion

Une première pratique est d’imposer les mains sur une personne au moment de sa conversion, quand elle manifeste des signes d’un trouble démoniaque. C’est souvent accompli par un évangéliste ou un pasteur, soit lors d’une réunion, soit lors d’une rencontre personnelle. Notons le contexte missionnaire : c’est l’annonce de l’Évangile qui amène à la repentance, et c’est la repentance qui suscite le besoin d’être libéré d’une force spirituelle, incompatible avec la nouvelle vie. 

Parfois, cette forme d’exorcisme s’accompagne de phénomènes assez étonnants. Pas seulement sur les champs missionnaires lointains, mais aussi en Occident. Voici le témoignage de Walter Vappiani, un ancien guérisseur qui lors d’une cérémonie en vue de recevoir un pouvoir de guérison, a reçu au moins un démon. Peu de temps après sa conversion, il a reçu l’imposition des mains de la part de deux pasteurs : 

…ils me précisent de ne pas m’inquiéter : ce qu’ils vont dire ne s’adresse pas à moi mais aux puissances qui m’habitent : « Au nom de Jésus, on vous chasse ! Vous n’avez plus aucune autorité sur Walter ! Vous devez sortir maintenant ! » Ils répètent plusieurs fois cet ordre aux esprits qui sont en moi, tout en priant Dieu d’intervenir.

C’est la première fois que je suis confronté à ce genre de situation et je ne sais pas ce qui va se passer. Mais je suis d’accord avec eux : ce qui est en moi doit sortir. Je proclame à mon tour, silencieusement, le nom de Jésus. 

Une crampe aiguë à l’estomac se fait brusquement ressentir. Pendant environ une quinzaine de secondes, je commence à expulser, à vomir quelque chose d’immatériel et pourtant réel et palpable. Cette chose sort par ma bouche avec cris et colère…

Je viens de vivre un exorcisme comme il est plusieurs fois raconté dans la Bible, du temps de Jésus. 

Je suis maintenant vraiment libéré de mes pouvoirs. J’ai fait le bon choix et Dieu vient de faire disparaître les conséquences de mon hérédité et de mon passé. Les démons qui me tenaient dans leurs griffes viennent d’être expulsés au seul nom de Jésus, par la puissance du Saint-Esprit.

Ils emportent avec eux, et de manière définitive, tous mes pouvoirs de guérisseur et autres. Prouvant ainsi qu’ils en étaient les véritables propriétaires.

Je ne me sens pas foncièrement différent et je ne me suis pas transformé en quelqu’un d’autre. Je suis tout simplement libre maintenant. Je retrouve l’usage de ma vie !(1) 

 

Pourtant, de telles expériences sont plutôt rares.

 

Connaître les noms du démon et s’adresser à lui ?

Selon une autre méthode, il faut appeler le démon par son nom afin de l’expulser d’une personne. L’un des protagonistes de cette méthode est Derek Prince. Son idée est de faire des délivrances comme le faisait Jésus dans les Évangiles(2). Après une manifestation, une ou plusieurs personnes s’adressent au démon afin d’avoir des renseignements précis tels que leur nom, leur nombre, et pourquoi ils sont présents. Ce dernier élément est considéré important pour connaître le péché qui a servi de porte d’entrée et qu’il s’agit de fermer maintenant. 

Connaître le nom précis du ou des démons donnerait plus facilement une emprise sur eux et permettrait de les chasser plus rapidement. Ensuite, on ordonne aux esprits de partir, et on continue jusqu’à ce qu’ils partent. Parfois, la procédure de délivrance dure des heures et provoque des luttes et des cris.

Carlos Annacondia va encore plus loin dans cette approche : si deux personnes menacent le diable en même temps, pendant une séance de délivrance, ils annulent l’autorité puisqu’ils se la disputent. Le diable ne partira donc pas. La solution serait qu’une personne prie à haute voix alors que les autres le soutiennent. Lorsqu’il se fatigue, il délègue l’autorité à un autre. Alors le diable, qui est soumis à l’autorité, doit obéir(3).

Si Derek Prince et d’autres insistent sur l’importance de parler au démon afin de connaître tout au moins son nom, bien des pasteurs impliqués dans un ministère de délivrance ne sont pas de cet avis. Peter Horrobin, par exemple, fait remarquer que les Évangiles relatent de nombreuses situations où Jésus a chassé un démon sans lui adresser un mot, et qu’il le faisait uniquement quand quelqu’un était sévèrement démonisé. Selon sa propre expérience, s’adresser aux démons est quelquefois nécessaire dans des cas pareils. Mais il considère que ce n’est pas une règle absolue. Si Jésus a parlé aux démons, c’était uniquement pour que les démons et les victimes de leur présence sachent que Jésus a de l’autorité sur eux, et qu’ils doivent lui obéir. Tout cela en vue de la libération de leurs victimes. C’est la seule raison valable de s’adresser aux démons, dit Peter Horrobin(4).

 

Délivrance en réunion publique, parfois collective

Il arrive qu’un ou plusieurs exorcismes aient lieu devant un auditoire chrétien. On considère que le contexte d’un culte ou d’un rassemblement chrétien apporte plus de puissance, plus d’efficacité, surtout au travers de la louange. Parfois, l’orateur ou le pasteur cherchent à provoquer la manifestation d’un démon. Une fois que cela se produit, la personne concernée est amenée vers l’estrade où le pasteur fera un exorcisme aux yeux de tous. Ou bien, l’orateur fait suivre son message d’une invitation à tous ceux qui veulent être délivrés, à venir devant. D’habitude, lui et ses collaborateurs vont prier pour chaque personne tour à tour, ce qui va prendre du temps.

Selon Derek Prince, il est justifié de faire des délivrances collectives lors des réunions publiques, car le Royaume de Dieu est supérieur. Dans un de ses livres, il raconte que suite à un enseignement sur les phénomènes démoniaques dans le Nouveau Testament, 50 personnes environ ont demandé à être délivrées de démons. Après avoir expliqué les conditions à remplir et les démarches à faire, il a prié pour l’ensemble des gens présents. « Pendant les quinze minutes suivantes, les gens ont crié, pleuré, toussé et tremblé. Certains sont tombés par terre, tandis que d’autres n’ont rien manifesté, presque comme si rien ne se passait ». Prince estime que les trois quarts des gens ont reçu la délivrance, et que les autres avaient besoin d’une prière supplémentaire(5).

 

Méthode « vérité et confession » (ou « truth encounter »)

Timothy Warner et Neil Anderson ont beaucoup fait pour faire connaître une méthode, dont ils ne sont pourtant pas à l’origine : celle de la truth encounter. En français : une rencontre ou une confrontation avec la vérité.

Si les deux ont travaillé ensemble, leurs approches se distinguent par quelques nuances. Pour Timothy Warner, le rôle de l’accompagnateur est d’aider la personne à comprendre ce qui se passe en elle (le plus souvent dans son esprit), et à distinguer ce qui est vrai de ce qui est mensonger. Ensuite, cette personne confessera à haute voix tout péché et tout mensonge qui aurait pu donner accès à Satan pour entrer dans sa vie, elle y renonce, et elle proclame la vérité biblique à son égard. Après cette première déclaration, elle proclame que l’ennemi doit cesser toute activité dans sa vie ou son corps/esprit, qu’il doit partir et ne plus jamais revenir. Sa délivrance viendra par la confession, la repentance et la prise de position contre l’œuvre et la présence de l’ennemi. 

Neil Anderson utilise grosso modo la même méthode, mais il travaille de façon plus détaillée(6). Il a créé un outil appelé « Les Sept Étapes vers la Liberté en Christ », pour aider le chrétien à passer en revue sept domaines de sa vie où l’ennemi pourrait avoir gagné une influence. Cet outil comprend des questionnaires, des inventaires, et il y a des entretiens autour de chaque étape. Le but est d’amener le chrétien à confesser ses péchés ou manquements dans chaque domaine, un par un - d’où le nom « étapes ». Les sept domaines/étapes sont :

1. Les contrefaçons de Satan et la réalité de Dieu (les expériences spirituelles non chrétiennes) ;

2. L’imposture et la vérité (des mensonges et des tromperies) ;

3. L’amertume contre le pardon (l’absence du pardon) ;

4. De la rébellion à la soumission (la rébellion contre les autorités - civiles, ecclésiales, Dieu) ;

5. De l’orgueil à l’humilité ;

6. De l’esclavage à la liberté (péchés qui dominent le croyant, des addictions) ;

7. De la malédiction à la bénédiction (des péchés des ancêtres qui peuvent provoquer des malédictions).

 

Les Sept Étapes sont utilisées quand un chrétien a des problèmes spirituels graves ou des problèmes démoniaques. Dans certaines Églises, cet outil est utilisé de façon systématique pour tous les croyants, afin qu’ils mettent leur vie spirituelle en règle avec le Seigneur. La base du travail n’est pas l’exorcisme mais la vérité divine. 

 

Une méthode et une approche sélectionnées

 

Nous avons sélectionné deux pratiques pour une présentation élaborée. Il s’agit d’une méthode et d'une approche, certes différentes, mais toutes les deux suffisamment équilibrées, nous semble-t-il, pour les prendre en considération, quand on veut développer une pastorale de délivrance.

 

Méthode vérité

Richard Morris a développé une méthode similaire à celle de la truth encounter. Les différences concernent des nuances. L’enjeu principal est d’aider les personnes à « être libérées de toute entrave à la croissance spirituelle et de toute barrière à une relation intime avec Dieu, Jésus et le Saint-Esprit, afin de servir dans l’Église avec joie et amour ». La délivrance d’un mauvais esprit n’est qu’un élément parmi d’autres pour en arriver là.

Tout comme Neil Anderson, Morris propose des questionnaires et des prières écrites. Un chrétien peut les travailler tout seul, en groupe, ou avec l’aide d’un accompagnateur pastoral. Dans un chapitre suivant, il décrira lui-même cette méthode, de façon élaborée.

 

Accompagnement pastoral de délivrance

Dans les Églises protestantes, on trouve une autre méthode encore pour amener les personnes troublées à la délivrance : l’accompagnement pastoral de délivrance. Elle s’est développée dans le mouvement charismatique, depuis les années 1970. 

Cette méthode se distingue nettement des méthodes en vogue dans les milieux évangéliques que nous venons d’évoquer. Le pasteur ou l’équipe pastorale joue un rôle plus modeste, en comparaison des ministères de délivrance. Au lieu de demander aux personnes de venir devant dans une réunion, et de chasser le démon en plein public, on privilégie un lieu discret - à domicile, au presbytère ou dans les locaux de l’Église. Cela permet de prendre plus de temps pour celui qui demande de l’aide. Ainsi peut-on enchaîner plusieurs entretiens. L’accent est mis sur l’accompagnement de la personne.

Par ailleurs, on préfère parler d’accompagnement pastoral de guérison, ou alors d’accompagnement pastoral de prière. On est moins rapide à avancer que tel ou tel trouble est de l’ordre démoniaque, on est plus ouvert aux interprétations psychologiques. 

Enfin, la délivrance d’un mauvais esprit, si besoin est, fait partie d’un accompagnement plus global qui vise le rétablissement de la personne entière dans tous ses aspects.

Cette approche sera décrite en détail dans les chapitres suivants, par Mart-Jan Paul et Reinhard Van Elderen.

 

Chez les catholiques

Passons maintenant à l’Église Catholique Romaine, connue pour sa longue tradition dans le domaine de l’exorcisme. Elle dispose du fameux Rituale Romanum, un texte élaboré pour le rituel de l’exorcisme, avec de multiples consignes. Le texte date de 1614 ! Si cette pratique fait donc partie de la tradition de cette Église, elle l’a largement laissée de côté au cours du XXe siècle. Certes, les exorcismes se faisaient tout au long de cette période, mais discrètement, sans que beaucoup de monde ne s’en rende compte.

En 1999, une nouvelle version de ce rituel fut présentée, suivie, en 2004, d’une version légèrement adaptée au niveau du langage. Un changement théologique majeur en comparaison avec l’ancien rituel est que l’on ne s’adresse plus directement aux démons, avec l’ordre de quitter cet homme ou cette femme. Ces propos ont été remplacés par des prières adressées à Dieu, lui demandant de faire en sorte que le démon quitte la personne. 

Les critiques n’ont pas tardés à être exprimées, de la part des prêtres qui pratiquent le ministère de l’exorcisme, et des milieux traditionnels. L’un des critiques les plus connus est le père Gabriele Amorth, longtemps exorciste dans l’évêché de Rome. Tout ce tollé a eu pour effet que l’Église permet désormais aux prêtres d’utiliser encore les anciennes formules du rituel de 1614(7).

 

Une pratique encadrée

L’exorcisme est un rite très encadré avec un rituel bien précis - contrairement aux Églises évangéliques, où tout chrétien peut en principe être amené à prier pour la délivrance de quelqu’un d’autre. Dans l’Église romaine, seul le prêtre officiellement nommé « prêtre-exorciste » par l’Évêque de son diocèse a l’autorité ecclésiale pour le faire. 

Près de 120 prêtres catholiques en France, soit un par diocèse, assurent aujourd’hui le ministère de l’exorcisme.

Une personne qui pense que son trouble pourrait être d’ordre démoniaque doit d’abord parler à un prêtre dans la paroisse. C’est lui qui peut la renvoyer à un prêtre-exorciste. Quand ce dernier considère que la personne a effectivement besoin d’exorcisme, il doit préalablement obtenir l’accord de son évêque, avant de passer par le rituel prescrit. 

 

Deux formes d’exorcisme

En fait, l’Église romaine connaît deux formes d’exorcisme. Le « petit exorcisme » a lieu lors du baptême des petits enfants ou encore auprès des catéchumènes (adultes sur le chemin menant au baptême). À ce moment-là, il y a dénonciation publique des œuvres du diable. Traditionnellement, le prêtre prononce trois formules de délivrance, ce qui se fait encore chez les orthodoxes. Le concile Vatican II a simplifié le rituel.

Plus encore, chaque Notre Père est considéré comme une forme de petit exorcisme quand le chrétien demande à être délivré du mal.

La deuxième forme est l’exorcisme solennel, appelé « grand exorcisme », qui ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l’évêque. Le Catéchisme précise :

« Il faut y procéder avec prudence, en observant strictement les règles établies par l’Église. L’exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l’emprise démoniaque et cela par l’autorité spirituelle que Jésus a confié à son Église. Très différent est le cas des maladies, surtout psychiques, dont le soin relève de la science médicale. Il est important, donc, de s’assurer, avant de célébrer l’exorcisme, qu’il s’agit d’une présence du Malin, et non pas d’une maladie »(8).

 

Autrefois, il y avait une troisième forme encore : l’exorcisme dit de Léon XIII. Cette prière était autorisée aux particuliers dans le cadre d’un usage privé. Ce n’est plus le cas de nos jours, son emploi ayant été jugé trop dangereux pour être autorisé à un particulier.

 

Comment reconnaître un cas de possession ? 

Le Rituel romain, quant à lui, donne quelques « signes » qui permettent de diagnostiquer les cas de réelle possession diabolique :

 

- Parler des langues non connues par la victime.

- L’esprit de blasphème, d’horreur instinctive ou inconsciente des choses saintes, en particulier la haine contre le Christ et la Sainte Vierge.

- La révélation de choses cachées ou futures, sans raison naturelle qui puisse l’expliquer.

- L’utilisation d’une force qui dépasse les capacités humaines.

- Phénomènes d’apesanteur : voler, comme si le possédé avait des ailes ; se maintenir en l’air, sans point d’appui ; marcher sur le plafond, la tête dirigée vers le sol, etc.

 

Suivant l’instruction du Catéchisme de l’Église Catholique qu’il convient avant tout de bien distinguer les maladies psychiques des véritables cas de possession démoniaque (CEC 1673), les prêtres-exorcistes sont en général très prudents. Dans les cas qui se présentent à eux, ils arrivent souvent à la conclusion que les causes des problèmes sont de l’ordre relationnel, ou psychique. Derrière le manifesté ils ne discernent souvent pas de démon mais plutôt une angoisse, de la solitude, une détresse humaine. En France, les possessions démoniaques vérifiées et des exorcismes spectaculaires sont assez rares. 

 

Le Grand Rituel, le chemin avant et le chemin après

Quand le prêtre-exorciste considère qu’il faut aller jusqu’au Grand Rituel d’un exorcisme officiel, il y a encore tout un cheminement de préparation. Il est fort possible que sur ce chemin la personne soit déjà éclairée et apaisée, de sorte que le Grand Rituel ne soit plus considéré nécessaire.

Dom Gabriele Amorth, ancien exorciste du diocèse de Rome, donne une feuille de route, pour ainsi dire. D’abord la confession : « Avant toute autre chose, il est nécessaire de vivre dans la grâce et d’éliminer les obstacles à la grâce. C’est pourquoi la première des choses à faire est toujours une bonne confession. Si l’on vit dans un état ordinaire de péché, il faut remédier à cette situation. S’il y a un obstacle à la grâce (le plus fréquent étant de ne pas pardonner du fond du cœur), il faut l’éliminer ».

Puis l’eucharistie, dans ses trois éléments : la messe, la communion, l’adoration eucharistique : « Nous devons dire clairement que les quatre moyens déjà cités, et le suivant, ont bien plus de force et de valeur qu’un exorcisme. Les gens sont, le plus souvent, paresseux : ils veulent que les autres interviennent et les délivrent de leurs problèmes ; or ce qui manque dans la plupart des cas, c’est l’implication personnelle ».

Ensuite la prière : « Elle doit être quotidienne, faite avec foi, et on doit y consacrer un certain temps ».

Avec ces trois moyens, et sans exorcisme, écrit Amorth, on peut se libérer de maux d’origine maléfique et de la possession elle-même. « Par contre, il est impossible de se délivrer par les exorcismes seuls, sans le recours à ces moyens ». 

Quatrièmement, les prières de libération : « Elles sont parfois plus efficaces que les exorcismes. En général, on fait des prières de guérison et de délivrance. Dans les cas ne nécessitant pas une guérison, elles sont particulièrement adaptées. Dans les cas d’influence démoniaque considérés comme « mineurs », ces prières peuvent être suffisantes pour la délivrance, les exorcismes étant réservés seulement aux cas les plus graves »(9).

Enfin, l’exorcisme : comment le Grand Rituel se déroule-t-il ? Voici les éléments dans leur ordre liturgique :

 

- On commence par des « rites d’ouverture » : le signe de la croix et la salutation, la bénédiction du sel et de l’eau, l’aspersion du possédé avec l’eau bénite pour rappeler la purification du Baptême.

- On prie la litanie des saints pour invoquer la miséricorde de Dieu par l’intercession de tous les saints.

- Par la lecture d’un ou de plusieurs psaumes, on implore la protection de Dieu.

- La proclamation de l’Évangile est le signe de la présence du Christ qui libère et guérit.

- Par l’imposition des mains sur la tête du possédé, le prêtre invoque la puissance de l’Esprit Saint.

- La récitation du Credo ou le renouvellement des promesses du baptême indique que la foi en Dieu est déjà notre victoire sur le monde des ténèbres.

- La prière du Notre Père est un petit exorcisme : « Délivre-nous du Mal(in). »

- Le signe de la croix et la bénédiction du possédé avec la croix qui nous rappellent que c’est par la Croix que le Christ a sauvé le monde.

- L’insufflation est le souffle qui représente la puissance invisible de l’Esprit Saint.

- Les formules d’exorcisme dites « déprécatives » sont des prières que l’on adresse au Seigneur pour la libération de la personne possédée par le démon.

- Les formules « impératives » sont des injonctions faites à Satan pour qu’il quitte le corps du possédé.

- Le cantique d’action de grâces manifeste notre gratitude envers Dieu.

- Le rite se termine par une bénédiction finale(10).

 

La demande et la formation

Face au regain de l’occultisme en général, et en particulier à la propagation du satanisme avec les actes meurtriers dont il sert parfois de source d’inspiration, l’Église s’est vu contrainte de renouer avec une approche pastorale fréquemment utilisée dans le passé mais tombée largement en désuétude. 

Avec la recrudescence des pratiques occultes, les conséquences sur les plans spirituel et psychique et même physique sont là. Les demandes d’aide sont de plus en plus nombreuses, aussi dans l’Église Catholique Romaine, où la pratique de l’exorcisme va croissant. Les publications et les sites Internet sur ce sujet suscitent un réel intérêt, si bien que les médias ont commencé à en parler au grand public.

Gabriele Amorth a lui-même publié plusieurs livres, qui se vendent très bien, et qui sont traduits dans d’autres langues. Le journaliste Tracy Williams lui a consacré une sorte de biographie sous le titre évocateur L’exorciste du Vatican.

L’Italie semble particulièrement touchée par ce phénomène. Le nombre de prêtres impliqués dans l’accompagnement pastoral de délivrance dans ce pays a augmenté de 20 en 1986 à plus de 350 en 2007(11).

En 2005, l’université papale Regina Apostolorum a introduit un nouvel élément dans son curriculum ; une série de cours sur « le satanisme, l’exorcisme et la prière pour la délivrance ». C’est une formation de six mois pour des prêtres qui veulent exercer le ministère d’exorcisme(12). 

Des formations avec des spécialistes, dont des psychologues, sont aussi prévues à l’échelle des diocèses. En France, une rencontre nationale est également organisée tous les deux ans.

Evert Van de Poll    source: "www.publicroire.com"
 
 
 


07/02/2013
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