EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

Le combat spirituel

Le Père Dagnon né au Bénin, en 1926. Il a été ordonné prêtre en 1957. Après avoir exercé diverses fonctions au petit séminaire de Ouidah, il est nommé vicaire. Pendant 18 ans il exerce la fonction de vicaire à la cathédrale
N.-D. des Miséricordes. Il a été directeur national des Œuvres pontificales puis administrateur diocésain à la mort de Mgr De Souza. Il a fondé la Congrégation des «Frères de Jésus» et celle des «Filles de Padre Pio». Curé de la paroisse Saint-Jean de Cotonou, il exerce la fonction d’exorciste depuis de nombreuses années. Il est aussi musicien, compositeur et écrivain. Il est venu donner son témoignage en France en 2004 et revient cet automne pour une série de rencontres (voir info p.15). Voici la première partie d’un enseignement donné à Notre-Dame du Laus.

Je suis exorciste depuis plus de 20 ans. Nous vivons des choses vraiment incroyables. Aussi j’aimerais vous parler du combat spirituel, un combat particulier. 
Un païen disait: «Je vois le bien et je l’approuve, mais je m’abandonne au mal.» Cette pensée, reprise par l’apôtre Paul, exprime sans ambiguïté l’expérience d’un combat intérieur quotidiennement vécue par chacun d’entre nous.
Saint Paul écrit: «Ce n’est pas à la chair et au sang que nous sommes affrontés, mais aux autorités, aux pouvoirs, aux dominations de ce monde de ténèbres, aux esprits du mal qui sont dans les espaces célestes (Ep 6,12).

Qu’est-ce que le combat spirituel?

La Nouvelle Encyclopédie Catholique donne la réponse suivante: «L’homme qui décide d’entrer dans la vie de l’Esprit et l’amour de Dieu ressent en lui l’opposition de forces antagonistes; il désire le bien, mais une autre force en lui le refuse. Pour une part, il veut se détourner du mal, pour une autre, il reste attiré par lui. Cette lutte, il ne l’exerce pas seulement contre lui-même et ses tendances mauvaises, mais aussi contre des pouvoirs plus qu’humains: les démons. Par le combat spirituel, l’homme apprend à triompher de cette division intérieure pour se laisser habiter par la paix de Dieu. Son arme principale est la prière. Dieu, qui a suscité en lui le désir de changer, lui fournit constamment les moyens de triompher des forces hostiles qui le poussent au découragement et à la démission.» 
Malgré les dénégations de certains, le démon existe vraiment.
Le combat suppose deux antagonistes au moins, plus des partenaires ou alliés d’offensive ou de défensive. Quant au combat spirituel, il suppose l’existence d’êtres spirituels. Qu’un combat existe dans l’homme est un fait indéniable que prouvent nombre d’expériences communes.

Les protagonistes du combat spirituel

Qui sont-ils? Ici, trois opinions se disputent la réponse: les tenant de la psychologisation, les tenants de la diabolisation et ceux qui veulent tenir un juste milieu.

Les psychologisants…

Les premiers prétendent que tout peut s’expliquer par la psychologie, la sociologie, la médecine, que tous ces phénomènes insolites concernant l’homme pourront à plus ou moins brève échéance trouver une solution dans la science. Ils répudient par conséquent toute tentative de guérison ou de libération par des moyens spirituels qu’ils traitent de rétrogrades et de superstitieux.
Le danger d’une telle conception conduit à une erreur fatale de diagnostic et de thérapeutique qui fige dans une souffrance inutile des patients qui auraient pu trouver la guérison par la prière.
L’expérience montre en effet que des infestations malignes relèvent parfois de la prière de délivrance ou d’un exorcisme, alors que des manifestations équivalentes sont d’origine psychologique et seront traitées par des neuroleptiques et des antidépresseurs. C’est aussi l’avis du docteur Assailli, psychiatre français: «Beaucoup de médecins font le jeu du démon en traitant de naturels des troubles redevables au prince de ce monde.»
Un jour on m’a amené une jeune fille de 19 ans paralysée et aveugle. Ses parents pensaient l’évacuer vers Paris pour la faire soigner… J’ai fait une petite prière de guérison.
Quelque chose me dit de lui dire de se lever. J’ai dit: «Ma fille, lève-toi!» Elle hésite. «Au nom de Jésus, lève-toi!» Elle se redresse. «Allez, marche!» Elle se met à marcher au grand étonnement de tout le monde. Je lui dis: allez, fais un demi-tour; il y a une statue de la Vierge Marie derrière toi, tu vas l’embrasser.» Elle se retourne et la paralysée et aveugle était guérie, devant tout le monde. Elle était pourtant à l’hôpital; on la soignait et ça ne guérissait pas. Soyons sérieux, croyons simplement et humblement en Dieu!

Les diabolisants

L’attitude radicale contraire, qui est aussi préjudiciable, c’est la diabolisation. Ici, on rend le démon responsable de tout. C’est aussi une grave erreur d’expliquer tout malheur par son intervention. Le premier risque pour le patient, est celui de la dépersonnalisation. Il ne comprend plus ce qu’il vit et il devient incapable de concevoir sa propre guérison. De surcroît, attribuant la cause de son dérèglement psychologique spirituel à un agent extérieur, il lui devient difficile de se remettre en cause et de rechercher au besoin sa conversion. Et c’est grave. Il faut même redouter une démonopathie, un rituel extérieur ou intérieur se traduisant dans le premier cas par une obsession, une phobie d’une fausse persécution intérieure, et dans le second cas, par une fausse oppression. Il faut aussi redouter un genre de manichéisme, c’est-à-dire l’existence en égalité d’un Dieu du bien et d’un dieu du mal, à cause du risque facile d’analoguer notre relation avec Satan à notre relation au Christ. Il y a danger à diaboliser tout.

L’Eglise

La troisième opinion est l’opinion médiane, reconnaissant l’existence du démon et des réalités psychosomatiques caractérisant l’homme, attribuant à chaque agent ses potentialités dans la dépendance à Dieu qui est et demeure l’unique créateur des choses visibles et invisibles. C’est la position officielle de l’Eglise qui croit et professe l’existence des bons et des mauvais anges.
Pour mieux pénétrer la complexité de la problématique du combat spirituel, dont le nouveau rituel, dans ses préliminaires, a fait un brillant exposé, il est important d’apporter une précision sur la manière dont l’adversaire essaie de circonvenir l’homme en utilisant des alliés redoutables et cela sur les deux formes de combat.
En fait, nous sommes en proie à trois adversaires, que saint Paul appelle respectivement le vieil homme, le monde et le démon. La foi nous enseigne que le péché originel a opéré en nous une blessure profonde dont les conséquences s’expriment à travers les trois concupiscences:
la concupiscence de la chair qui nous porte au dérèglement dans la recherche du plaisir;
la concupiscence des yeux, sens exacerbé de tout attachement intempestif aux créatures et aux biens de la terre;
la concupiscence de l’esprit, foyer incandescent de notre orgueil, de notre superbe.
Ces trois concupiscences constituent en nous, non seulement la partie affaiblie de notre être, mais aussi l’instance de traîtrise qui nous invite sans cesse à tendre la main à l’ennemi, tel le fils dégénéré qui, par trahison, s’avise d’ouvrir la porte arrière de la maison à l’ennemi, parce qu’il est en connivence avec lui. Cause de cette situation, Satan l’utilise au maximum, pour nous porter au mal. 
L’Ecriture nous dit: «Il fut rejeté, l’énorme dragon, l’antique serpent, le diable ou le Satan comme on l’appelle, le séducteur du monde entier. On le jeta sur la terre et ses anges furent jetés avec lui» (Ap 12,8-9).
C’est ainsi que le vieux serpent cherche à dominer la terre. Il s’en fit le prince pour se constituer un royaume, le monde en langage spirituel. Tacite, un païen a pu dire: «Corrompre où être corrompu, voilà le propre du siècle, le propre du monde.» Le monde est un ensemble de manières de penser, un ensemble de mentalités, d’êtres, de maximes, d’attitudes, de comportements diamétralement opposées à ceux de la sagesse évangélique et inoculés grâce à tous ceux qui optent résolument pour le mal dans la triste existence des hommes, afin de les séduire et de les attirer fallacieusement et sans cesse vers le mal.
Ici, il faut noter que, si le but primordial et ultime du démon est de perdre les hommes, il s’attaque à eux d’une façon habituelle ou générique par la tentation, ou d’une façon spécifique, par ses infestations. Le premier genre d’offensive étant plutôt intérieur, tandis que le second se solde par des phénomènes sensibles. 
Le démon a une manière générique de s’attaquer à nous, c’est la tentation. Tout le monde, même Jésus a été tenté. L’autre façon, ce sont les infestations, manifestations insolites par nos organes sensibles. Nous pourrions nous demander pourquoi la Providence permet ces attaques d’un ennemi aussi jaloux du sort des humains. 
C’est tout d’abord en vertu du principe général que Dieu gouverne le monde, non seulement directement, mais aussi par l’intermédiaire des causes secondes, en laissant aux créatures une certaine liberté d’action. 
C’est ensuite, pour qu’aidés de lui et des anges, nous remportions des victoires qui raffermissent la vertu et nous fassent gagner des mérites pour le Ciel.
C’est enfin pour nous faire découvrir l’importance de notre sanctification et de notre salut éternel en raison de l’intérêt que prennent le Ciel et l’enfer.
Après avoir ici exposé la problématique du thème, nous allons maintenant articuler nos propos autour des deux éléments principaux qui sont le démon et l’homme en Christ, en insistant davantage sur le combat spécifique. Nous parlerons de l’offensive du démon et de la défensive de l’homme en Christ.

Qui est le démon?

Le diable est appelé Satan, l’antique serpent, le dragon. C’est celui qui séduit toute la terre et combat contre ceux qui gardent les préceptes de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus (Cf. Ap 12,9-17). Il est désigné comme adversaire des hommes (1 P 5,8) et homicide dès le commencement (Jn 8,44). Lorsque par le péché, il a rendu l’homme exposé à la mort, du fait que par ses embûches, il provoque l’homme à désobéir à Dieu, ce mauvais est appelé «le tentateur» (Cf. Mt 4,3; 26,36-43). Il est le «menteur et père du mensonge» (Jn 8,44) qui a agit par ruse, faussement, comme l’atteste la séduction des premiers parents (Cf. Gn 3,4-13). C’est celui qui s’efforce de se transformer en «ange de lumière» (Cf. 2Co 11,14). Il est aussi appelé «Prince de ce monde». Il se trouve établi tout entier dans le mauvais. Il ne connaît pas la vraie lumière (Jn 1,9-10). Enfin, son pouvoir est désigné comme la «puissance des ténèbres» (Lc 22,53; Col 1,13) pour la bonne raison qu’il a en haine la lumière qui est le Christ et entraîne les hommes dans ses propres ténèbres. En outre, les démons qui, avec le diable, n’ont pas servi la seigneurie de Dieu ont été réprouvés (2 P 2,4) et constituent «les esprit d’iniquité» (Ep 6,12), alors qu’ils avaient été créés esprits, eux qui avaient péché, et sont appelés «les anges de Satan» (Mt 25,41; 2 Co 12,17; Ap 12,7-9). Ce qui peut signifier qu’une certaine mission leur a été confiée par leurs mauvais chefs, «les esprits immondes et séducteurs» (Mt 10,1; Mc 5,8; Ac 8,7; Ap 18,2). La victoire du Fils de Dieu détruit leur œuvre (cf. Jn 3,8ss). Tout cela est dicté par l’Ecriture. Voilà le démon avec toute sa méchanceté, sa haine, sa jalousie de l’homme, déterminé à nous perdre, coûte que coûte, parce qu’il est perdu; il voudrait que nous ayons le même sort que lui. 
Quelle est la portée, quelles sont les limites de l’action du démon?
En l’homme, il faut distinguer le corps, les sens externes et internes, comme l’imagination et la mémoire, enfin l’intelligence et la volonté. Le démon peut agir directement sur le corps, les sens externes et internes.
1/ Cette action directe a une limite, car elle n’est qu’externe. Elle ne saurait être interne, comme celle de Dieu agissant au point de transformer substantiellement la matière corporelle, ou comme celle de l’âme sur le corps dont elle est la forme.
2/ Si le démon peut agir sur le corps animé par l’âme, à plus forte raison peut-il agir aussi sur les autres corps. Chez nous, en Afrique, on parle de la sorcellerie. C’est quelque chose d’incroyable, d’impensable. Un jour on m’amène un garçon. Il avait une boule au bas de la nuque, près de l’épaule. Je lui impose la croix et fais une prière. Et voilà que soudain sa voix change. Il dit: «Oui, toi, pourquoi pries-tu pour les sorciers, je vais te laisser quelque chose dans le corps.» Et soudain il tombe à la renverse et perd connaissance. Je dis: «Ç a y est, c’est le démon.» Je continue ma prière et soudain il vomit; il vomit deux boules, et la boule de l’épaule disparaît. Il était guéri. Le démon lui avait vraiment mis quelque chose dans le corps…
3/ C’est par le truchement des éléments sensibles de l’homme que le démon, d’une manière indirecte, peut agir sur l’intelligence et la volonté. Seul Dieu a autorité directe sur l’intelligence et la volonté. 
4/ Puisque l’usage de la raison humaine est conditionné par le corps, l’action du démon peut aller jusqu’à en lier totalement l’usage. Alors l’homme peut facilement adhérer aux images qui lui sont présentées. C’est déjà ce qui se passe dans le sommeil ou dans un état d’ivresse ou d’hypnose.
5/ L’affectivité spirituelle, la volonté, selon saint Thomas d’Aquin, est une inclination vers le bien que présente l’intellect; en la considérant comme telle, on comprend plus aisément ce que peut être l’action du démon sur elle. Nous sommes ici au point le plus névralgique, car la volonté est le siège de l’amour et le lieu idéal d’action de la liberté. De l’intérieur, le démon ne peut rien sur elle, seul Dieu le peut sans violence. Le démon le peut indirectement par la persuasion, mais l’homme demeure toujours libre de pécher ou non, de telle manière qu’un possédé peut se confesser, communier et être en état de grâce. Heureusement!
6/ Ce qui met le plus l’homme à la portée du démon, c’est le domaine de la sensibilité. Saint Augustin dit: «Il se glisse, ce mauvais, par toutes les ouvertures des sens, il se donne dans les figures, s’adapte aux couleurs, s’attache aux sons, s’incorpore aux odeurs, se fond dans les saveurs1.»
7/ Dieu a laissé au démon sa puissance naturelle qui est grande, mais lorsqu’il permet quelque chose à ce dernier, il ne lui laisse pas toute la liberté, de peur qu’il ne déchaîne sa fantaisie sur l’homme. (Cf. L’histoire de Job) Dieu exerce sa maîtrise sur le démon.
8/ Enfin, dans le combat, Dieu compense la faiblesse humaine par le secours de sa grâce et la protection des bons anges et de la Vierge Marie.
Voilà les limites du pouvoir d’action du démon, ses objets d’attaque. L’action d’attaque du démon apparaît dans toute sa malice à travers l’objet du combat, c’est-à-dire ce qu’il propose à l’homme pour le détourner de Dieu. Le pape Jean Paul II le fait bien remarquer dans son exhortation apostolique: «Le démon pousse l’homme à s’opposer à Dieu comme à un rival, l’inclinant ainsi à présumer de ses propres forces, comme si Dieu n’était pas son créateur, et à refuser son amour en refusant sa paternité.»
Le démon voudrait que l’homme rejette la foi en la vérité révélée, en mettant Dieu au même rang que certaines réalités créées, en en faisant des idoles ou des faux dieux.
Il s’attaque à la miséricorde divine en faisant croire à l’homme que sa capacité de pécher et son iniquité sont si profondes que le Christ ne saurait le racheter, en essayant ainsi de susciter en lui le désespoir, alors que par ses paroles, quiconque est né de Dieu ne pèche plus. Saint Jean nous rappelle que l’homme a été assuré de recevoir les forces nécessaires pour ne pas pécher.
Il s’efforce de situer le monde dans le mensonge en détruisant en l’homme le sens du péché au point de lui donner l’illusion de l’impeccabilité alors que: «Si nous disons: “Nous n’avons pas péché”, nous nous abusons, la vérité n’est plus en nous» (1Jn 1,8). Tout cela se résume dans l’orgueil qui pousse Satan à désobéir à Dieu et qui voudrait voir partager par l’homme, s’appliquant à détruire ce dernier, ce qu’il a de fondamental, la foi, l’espérance et la charité.

(à suivre)

Note:
1. Saint Augustin, Question 2 du livre des 83 questions.source: site "www.parvis.ch"

 

 

 

 



05/06/2012
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