EXORCISMES ET POSSESSIONS

EXORCISMES ET POSSESSIONS

L’exorcisme dans la tradition chrétienne

L’exorcisme dans la tradition chrétienne


Rappelons que la notion d’exorcisme n’est nullement le fruit d’une interprétation abusive et fantaisiste des Ecritures bibliques mais constitue, au contraire, une partie de la "vérité divine" telle que la conçoivent les chrétiens.

En effet, les disciples du Christ reçurent le don de chasser les démons en son nom :

"Or il advint, le jour suivant, à leur descente de la montagne, qu’une foule nombreuse vint au-devant de lui.
Et voici qu’un homme de la foule s’écria : "Maître, je te prie de jeter les yeux sur mon fils, car c’est mon unique enfant."
Et voilà qu’un esprit s’en empare, et soudain il crie, le secoue avec violence et le fait écumer ; et ce n’est qu’à grand-peine qu’il s’en éloigne, le laissant tout brisé.
"J’ai prié tes disciples de l’expulser, mais ils ne l’ont pu."
"Engeance incrédule et pervertie, répondit Jésus, jusqu’à quand serai-je auprès de vous et vous supporterai-je ? Amène ici ton fils."
Celui-ci ne faisait qu’approcher, quand le démon le jeta à terre et le secoua violemment. Mais Jésus menaça l’esprit impur, guérit l’enfant et le remit à son père.
Et tous étaient frappés de la grandeur de Dieu." 

(Luc, IX : 37-43).

"Jean prit la parole et dit : "Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom, et nous voulions l’empêcher, parce qu’il ne te suit pas avec nous."
Mais Jésus lui dit : "Ne l’en empêchez pas ; car qui n’est pas contre vous est pour vous"."

(Luc, IX : 49-50). (13)

Ces deux passages de l’évangile de Luc – que l’on retrouve avec quelques variantes dans Matthieu XVII : 14-21 / Marc IX : 17-29 - indiquent très clairement que Jésus donne l’autorisation d’exorciser en son nom et c’est là l’argument avancé habituellement par les chrétiens lorsqu’on les accuse de pratiquer une magie que, d’autre part , ils dénoncent. L’efficacité de l’exorcisme ne vient pas, selon eux, d’une quelconque force magique personnelle, mais bien de la foi en Dieu : on exorcise au nom de Dieu, non en son nom personnel, la force qui expulse le démon n’est pas de nature humaine mais d’essence divine.

L’exorcisme qui, en grec, signifie "conjuration", est un "terme utilisé pour chasser les démons et mauvais esprits par le seul Esprit de Dieu et la prière, et non par des moyens ou formules magiques." (14)

Si l’on s’en tient au texte évangélique cité précédemment, il semble apparaître que toute personne ayant la foi, est susceptible de pratiquer un exorcisme au nom de Dieu. Toutefois, l’Eglise catholique n’en a pas moins limité la fonction d’exorciste aux ordres mineurs (15).

A ce sujet remarquons que dans l’évangile de Marc, notamment, il est effectivement fait mention précisément des douze apôtres auxquels fut conférée la capacité de chasser les démons : "Il (en) établit douze pour les avoir avec lui et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons." (Marc III : 14-15, aussi : Luc IX : 1-2). Et évoquant les mêmes apôtres : "Ils chassaient beaucoup de démons, et ils oignaient d’huile beaucoup de malades et les guérissaient." (Marc VI : 13). Dans ce cas, il apparaît bien que le pouvoir d’exorciser se trouve réservé à une "élite" choisie par le Christ.

Comment expliquer que, d’une part, un homme non-choisi par Jésus et qui ne le suivait même pas, ait pu pratiquer des exorcismes avec succès (Luc IX : 49-50) et que d’autre part, comme nous le voyons à présent, ce pouvoir ne semble avoir été conféré par le Christ qu’à certains de ses disciples, en l’occurrence les douze apôtres ? Il y a là une évidente contradiction.

Dans une autre histoire (Marc VII : 24-30 / Matthieu XV : 21-28), Jésus effectue un exorcisme au profit d’une païenne, en l’occurrence une Syrophénicienne de culture grecque dont la petite fille était, dit-on, possédée par un démon. Mais cet exorcisme là sera effectué à distance, par la puissance présumée de la parole de Jésus, car il n’était pas permis à un Juif d’entrer dans la maison d’un païen (16) : "Alors il lui dit : "A cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille." Elle retourna dans sa maison et trouva l’enfant étendue sur son lit et le démon parti."(Marc VII : 29-30).

On pourra évidemment rétorquer qu’il est très facile de prétendre que la force qui permet d’exorciser est d’origine divine et qu’elle n’est ni d’origine humaine, ni d’origine démoniaque. Cette question a également été abordée dans les évangiles. Ainsi, certains accusèrent Jésus d’expulser les démons par le pouvoir de Béelzéboul qui, comme nous l’avons dit, nous est mieux connu, par l’imagerie populaire, sous le nom de Belzébuth :

"Il expulsait un démon, qui était muet. Or, il advint que, le démon étant sorti, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration.
Mais certains d’entre eux dirent : C’est par Béelzéboul, le prince des démons, qu’il expulse les démons.
D’autres, pour le mettre à l’épreuve, réclamaient de lui un signe venant du ciel."

(Luc, XI : 14-16).

Jésus affirme ainsi qu’il ne peut exorciser au nom de Béelzéboul car cela signifierait la division de la maison de Satan, ce qui ne lui semble pas pensable et que, de ce fait, il est évident qu’il ne peut agir qu’au nom de Dieu… J’épargnerai au lecteur cette longue et pénible tirade et préfère le renvoyer au texte biblique (Luc, XI : 17-22)…

En définitive, visiblement exaspéré par cette discussion dont il avait bien du mal à se dépêtrer, Jésus affirmera péremptoirement :

"Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe"
(Luc, XI : 23).

Une intransigeance toute divine, mais qui ne prouve rien…

Des exorcismes christiques sont évoqués dans d’autres passages des évangiles. Il y a les passages concernant la guérison de démoniaques à Capharnaüm (Luc IV : 31-37 et 40-41 / Marc I : 21-28), de même que ceux qui évoquent un prétendu démoniaque gergésénien.

C’est à cette occasion que Jésus rencontrera des démons possédant ledit démoniaque gergésénien (Luc VIII : 26- 39 / Matthieu VIII : 28-34 / Marc V : 1-20) et qui se présenteront au Nazaréen sous le nom générique de "Légion""car beaucoup de démons étaient entrés en lui." (Luc VIII : 30) (17). Implacable logique... Par la suite, sous la pression de Jésus, tous ces démons quitteront ce corps d’homme pour aller habiter des porcs qui iront finalement se jeter dans un lac pour s’y noyer…

Notons encore, dans un autre passage, cet étrange amalgame fait entre la notion d’infirmité physique et celle de possession diabolique :
"Et il y avait là une femme tenue depuis dix-huit ans par un esprit qui la rendait infirme : elle était courbée et ne pouvait absolument pas lever la tête. L’ayant vue, Jésus l’appela et lui dit : "Femme, tu es délivrée de ton infirmité." Et il lui imposa les mains ; aussitôt elle se redressa, et elle glorifiait Dieu." (Luc XIII : 11-13).
Au cours de la dispute qui suivit à propos du travail le jour du sabbat (!), il sera clairement dit par Jésus que Satan tenait cette femme liée depuis dix-huit ans. Faut-il dès lors en déduire qu’un certain nombre de handicaps physiques sont, en réalité, le résultat d’une possession diabolique ? Et si oui, combien de handicapés sont-ils, en réalité, selon l’Eglise catholique, des possédés, des esclaves du Diable ?

Dans Matthieu, l’établissement de cette relation entre infirmité, maladie et possession, renvoie cette fois à Isaïe, c’est-à-dire, à l’Ancien Testament :

"Le soir venu, on lui amena quantité de démoniaques, et il chassa d’un mot les esprits et il guérit tous les malades, afin que fût accompli ce qui a été dit par le prophète Isaïe : Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies."
(Matthieu VIII : 16-17).

Dans cet autre passage de l’évangile de Matthieu, qui fait écho au début de l’histoire de Béelzéboul dans l’évangile de Luc, c’est un muet qui est, cette fois, la proie de Satan : "Après leur départ, on lui présenta un muet possédé du démon. Le démon chassé, le muet parla, et les foules, saisies d’admiration, dirent : "Jamais rien de semblable ne s’est vu en Israël." Mais les Pharisiens disaient : "C’est par le chef des démons qu’il chasse les démons."(Matthieu IX : 32-34). L’histoire de Jésus accusé d’exorciser par Béelzéboul se retrouve d’ailleurs à Matthieu XII : 22-30. Le "possédé" guéri par Jésus, non-content d’être muet, était aussi aveugle, dans cette version… Autre version de la même histoire dans Marc III : 20-30.

Nous le voyons, les exorcismes occupent une place importante dans les évangiles et constituent une arme essentielle du prosélytisme chrétien. Ils prétendent démontrer la puissance supérieure du dieu unique d’Abraham, de son fils Jésus et du christianisme, aux sceptiques et aux incrédules, en attribuant une origine divine à quelques tours de prestidigitateurs et d’illusionnistes, tout en rejetant d’emblée toute accusation de magie.

Il n’est nullement étonnant, dès lors, de voir aujourd’hui l’Eglise catholique en pleine débâcle, tenter de revenir à ces pratiques burlesques dans l’espoir de revigorer par ce moyen son prosélytisme chancelant et d’attirer à nouveau à elle certains esprits faibles éventuellement hypnotisés ou effrayés par le barnum satanique d’inspiration ecclésiastique.

Voici ce que nous dit de l’exorcisme un certain révérend père Tronquédec dans un ouvrage intitulé "Les maladies nerveuses ou mentales et les manifestations diaboliques" (un thème très proche de celui abordé par le séminaire "Exorcisme et prière de libération"…) : "L’exorcisme est une cérémonie impressionnante qui peut agir sur l’inconscient des malades ; les adjurations au démon, les aspersions d’eau bénite, l’étole passée au cou du patient, les signes de croix répétés, tout cela est très capable de susciter, dans un psychisme passablement délabré, la mythomanie diabolique en paroles et en actions. Si on appelle le diable, on le voit : non pas lui, mais un portrait composé d’après les idées qu’on s’en fait." (18)

Ne dit-on pas d’ailleurs que le cinéma d’épouvante, notamment américain, dans lesquels les prêtres catholiques apparaissent comme l’ultime recours contre le Mal (ex. : L’Exorciste), a rendu de fiers services à l’Eglise catholique ? "Aux Etats-Unis , l’Exorciste de William Friedkin connut un rare succès en 1973. Des scènes d’hystérie parmi les spectateurs de Boston et de la côte Est furent rapportées par les journaux. La représentation d’un rituel catholique d’exorcisme sur le corps d’une possédée fit forte impression sur les puritains, alors que nombre d’Européens se sentirent plutôt déçus lorsqu’ils allèrent voir cette production précédée d’une réputation sulfureuse." (19).

Mais l’Europe de 2005 n’est pas celle de 1973 et le regain d’intérêt de l’église pour l’exorcisme semble donc bel et bien s’inscrire dans un contexte de propagande audiovisuelle.

Le "Rituale Romanum", établi par le pape Paul V (1605-1621), définit, quant à lui, une méthode en onze points à suivre pour exorciser les démons, comprenant notamment des récitations de psaumes, de passages des Evangiles, des aspersions d’eau bénite, l’interrogation des démons ( ?), des prières, etc … (20).

Mais tous les prêtres ne semblent pas aussi attachés à la tradition vaticane. Ainsi, l’abbé Julio (1844-1912) pensait qu’il ne fallait pas s’en tenir au seul "Rituale Romanum" imposé par le Vatican et recommandait l’utilisation d’autres prières, telle que celle de saint Cyprien ou encore l’Exorcisme de Léon XIII contre Satan et ses Anges apostats…

D’autres encore, adeptes d’une plus grande fantaisie, recommandent des exorcismes téléphoniques… Ainsi, en 1984, au cours d’un colloque réuni à Fontevrault et consacré à l’ "Histoire des faits de sorcellerie", l’abbé Chenesseau, secrétaire de l’Assemblée des Exorcistes français, a affirmé que le "Seigneur" avait confié "le talent de pouvoir agir à distance" -souvenons-nous de l’histoire de la petite fille païenne exorcisée à distance par Jésus…- , voilà pourquoi il avoua pratiquer sur demande –nous voilà rassurés !- l’exorcisme téléphonique (21)... Ceci explique également pourquoi j’ai eu parfois le privilège de lire la logorrhée biblique de probables émules de cet abbé exorciste sur certains forums de discussion et autres "livres d’or" : du téléphone, ils sont passés à Internet, on arrête pas le progrès... Dois-je préciser que les sites "païens" ainsi exorcisés, existent toujours ?

Tout cela pourrait apparaître comme une grosse farce si le passé ne venait nous rappeler que la notion d’exorcisme est intimement liée à celle de "possession diabolique" et qu’au nom de la lutte contre cette dernière, l’Eglise catholique a, durant des siècles, persécuté, violé, massacré, torturé une quantité innombrable de personnes considérées comme "habitées par le Diable" sous-prétexte qu’elles étaient restées fidèles aux croyances de leurs ancêtres, qu’elles avouaient ne pas croire dans le dieu de la Bible, que leur intelligence ne leur permettait tout simplement pas de croire au dogme chrétien ou que, malgré leur innocence, elles eurent le malheur de se trouver au mauvais moment et à la mauvaise place, sur le chemin de tel représentant de l’église, envieux ou fanatique, de tel délateur, jaloux ou pervers.

Nous avons vu également le lien établi, dans les évangiles,2entre la notion de "possession démoniaque" et celle de maladie, physique ou psychique. Cela semble rejoindre les préoccupations des "Légionnaires du Christ", organisateurs du séminaire "Exorcisme et prière de libération", mais nous ne comprenons pas de quel droit, des prêtres, représentants d’une église parmi tant d’autres, se permettent de se mêler de psychiatrie. Car, pour pouvoir distinguer un cas de possession diabolique d’un cas de déséquilibre psychique, il faut bien que l’Eglise catholique empiète sur le domaine d’Asclépios, à moins qu’il ne s’agisse d’une "médecine chrétienne", ce dont je n’ai jamais entendu parler, du moins sérieusement. Depuis quand un curé est-il habilité, du simple fait de sa fonction sacerdotale, à diriger une personne chez un psychiatre…? Le païen, l’athée, le juif ou encore le sataniste et le luciférien, n’ont-ils d’autres destinées que la possession ou la folie ? Tout opposant au dogmatisme abrahamique serait-il soit fou, soit possédé, et si telle n’est pas l’idée des initiateurs de cet absurde séminaire sur les exorcismes et la possession démoniaque, où pensent-ils pouvoir établir la frontière entre possession satanique, maladie mentale et liberté de pensée ? La réalité est que, fondamentalement, ils ne reconnaissent aucun droit à l’existence de la troisième, qu’ils sont contraints d’évoquer la seconde, faute d’encore posséder le droit légal de généraliser la première, comme leurs prédécesseurs le firent durant des siècles, au temps des bûchers.

Avant d’aborder la prochaine partie de ce texte, celle consacrée à la possession démoniaque, il me paraît souhaitable de laisser Jean Wier (ou Johan Weyer, 1515-1588), auteur d’une célèbre "Pseudomonarchia daemonum" et grand pourfendeur des procès en sorcellerie, s’exprimer sur la question de l’exorcisme et des exorcistes : "Il y a des hommes sots, téméraires et audacieux qui s’appellent gens d’Eglise, mais mondains par trop, à raison de leur ordre (mauvaise) et sale vie, tels que les demande celui qui joue le principal personnage de cette farce, qui étant appelés pour guérir ceux que l’on pense ensorcelés ou démoniaques, par leurs exorcismes accoutumés et par la formule de certaines cérémonies observées, accourent pour guérir la maladie et pour chasser le Diable, lequel quelquefois se retire de sa propre volonté au moyen de leurs exécrables blasphèmes, et se joue ainsi pour toujours établir et confirmer l’impiété. Ce sera bien fait de mettre ces exorcistes au nombre des enchanteurs et sorciers." (22)

source:"atheisme.free"



09/01/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Religion & Croyances pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 55 autres membres